peintre de M. Bertin l’aîné et de M. Molé, et le peintre de Canning, excellent chacun dans son genre, et cependant quelle différence dans les procédés d’exécution ! Lawrence peint le caractère, M. Ingres le dessine, tous deux l’expriment.
Les portraits de M. Molé, de M. Bertin l’aîné et de Cherubini sont ceux, certainement, où M. Ingres a le mieux reproduit le caractère de son modèle ; aussi ont-ils obtenu un grand et légitime succès. On pourrait y reprendre quelques bizarreries de dessin qui sont tout autre chose que des incorrections et qui tiennent à la conscience extrême que met M. Ingres dans la représentation précise des formes du modèle qu’il a sous les yeux. Nous citerons, comme exemple, ces mains si ramassées du portrait de M. Bertin l’aîné. Un artiste médiocre les eût modifiées, il aurait remplacé ces phalanges engorgées par les doigts en fuseau du premier modèle venu ; mais il aurait altéré par ce seul changement la physionomie d’ensemble du personnage dont ces mains trapues, et qui semblent des griffes de lion, caractérisent aussi bien que l’attitude, aussi bien que l’œil, aussi bien que la bouche, la nature énergique et puissante. Ce que nous aimons moins, ce qui rentre dans ce luxe stérile d’accessoires et de détails où M. Ingres se complaît, quelquefois, c’est la minutieuse étude de la réverbération solaire sur l’acajou luisant du bras du fauteuil ; la fenêtre, ses châssis et la lumière extérieure s’y mirent avec netteté. Il y a là excès de conscience, car ce détail, qui tient du trompe-l’œil, et qu’on ne découvre qu’à la suite d’un examen attentif, n’ajoute ni à l’intérêt ni à la vérité. Une touche lumineuse et bien franche eût produit le même effet. Le modelé du portrait de M. Molé n’est pas d’une vérité si frappante que celui du portrait de M. Bertin l’aîné, mais la couleur locale est excellente, et le caractère de l’homme est merveilleusement bien exprimé au moyen, cette fois, de l’attitude noble et simple et du regard plein de cette pénétration, de cette fermeté qui dénote l’homme d’état. Le portrait de Mme d’Haussonville, dernière production du pinceau de M. Ingres, prouve que chez lui ni la volonté ni la conscience n’ont faibli. La pose est naturelle, et l’ensemble de la figure a de la distinction. On a critiqué le bras et la main vus en raccourci, et qui paraissent un peu gros pour la tête. Nous croyons que c’est là une de ces bizarreries de dessin que nous signalions tout à l’heure, et qu’il n’y a pas incorrection. Les accessoires sont traités avec un soin religieux et cette fois tout magistral. La robe lilas a l’aspect de la réalité, et le binocle de Mme d’Haussonville rappelle par son merveilleux fini la sonnette du Léon X de Raphaël. Le coloris est tout-à-fait suffisant, seulement la teinte locale nous paraît un peu violacée.
Au moment de terminer cette appréciation, une dernière question