des fondations littéraires et scientifiques. La gazette publiait aussi la démission du ministre déchu, ou il disait en propres termes « s’être aperçu, dans ces derniers temps, qu’il ne pouvait plus suffire au gouvernement de la Saxe de la manière qu’il eût désiré. » Était-ce un retour mélancolique sur lui-même, ou bien une plainte secrète qui lui échappait au souvenir de la défection de ses collègues, à l’idée de sa popularité perdue ? Il y avait douze ans à pareil jour que M. de Lindenau, entouré, de toutes les joies d’une fête nationale, de tout l’éclat de la faveur publique, déposait en grande pompe, dans les archives de l’état, le texte même de la constitution dont il était le père. Aussitôt, du reste, qu’il fut rentré dans la vie privée, l’opinion se refit vite à son égard, et la Saxe entière se montra reconnaissante de ses services passés. Beaucoup de villes lui envoyèrent des lettres de bourgeoisie ; et aujourd’hui même l’opposition parlementaire s’appuie souvent de son nom contre ses successeurs.
Un ministère en Allemagne n’est point du tout, comme en Angleterre ou comme en France, identifié nécessairement avec la personne de son chef, le prince le compose à son gré, choisissant les hommes beaucoup moins en général d’après leur importance ou leur drapeau dans les chambres que d’après leur place hiérarchique ou leurs mérites spéciaux dans l’administration. Il arrive ainsi qu’un même cabinet peut renfermer des tendances politiques assez diverses, sans pourtant qu’elles se confondent et suspendent leur lutte naturelle. M. de Lindenau sortait du conseil, non point parce qu’il avait repoussé devant le parlement la réforme des élections ou de la censure, également repoussée par ses collègues, mais surtout parce qu’auprès du roi il n’avait pu défendre assez contre eux le juste développement des lois modernes dans la société civile. Obsédé des instances étrangères, alarmé lui-même par l’agitation dont il voyait les approches, le gouvernement saxon ne voulait plus toucher à l’ordre ancien que pour l’affermir. Les deux colonnes qui en supportaient encore le mieux l’édifice, c’étaient la justice et l’église ; il ne fallait pas les ébranler. La nomination de M. de Koenneritz à la présidence était décisive. M. de Lindenau n’avait pas dans le cabinet d’adversaire plus résolu, quand il se prononçait pour la publicité des débats judiciaires ou pour la liberté de conscience.
On commenta donc à réagir contre le siècle plus vivement qu’on ne avait pu sous la direction précédente, non point avec l’esprit patriarcal et les formes persuasives de M. de Lindenau, mais avec la raideur de la domination aristocratique, avec la précision de la tactique parlementaire. La noblesse, ouvertement favorisée, reprit tout de suite une importance considérable. On affecta de servir entre mesure les intérêts du culte catholique, pour contrarier d’autant l’irrésistible progrès de la critique protestante. La charte ferme le territoire saxon à tous les ordres