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montèrent à 72 millions de livres, somme qui représenterait aujourd’hui plus de 200 millions de francs. Ce n’était pas, on le pense bien, pour sa propre consommation que la république faisait ces achats considérables. Les Hollandais, voués à ce qu’on appelait alors le commerce d’économie, qui consistait à acheter pour revendre en spéculant sur les transports, étaient les entrepositaires et les fournisseurs du monde entier. Colbert espérait leur enlever le monopole de ce trafic, et, par la vente directe aux nations lointaines, réaliser le bénéfice en fournissant un nouvel élément d’activité à la marine française ; mais il avait affaire à une nation rusée et tenace, faible en apparence, puissante en réalité par l’immensité de son capital disponible. Une compagnie de commerce, instituée par Colbert pour exploiter directement les pays du nord, fut neutralisée. Divers obstacles surgirent sous les pas du ministre français ; enfin, le temps des représailles ouvertes étant venu, les Hollandais frappèrent d’une surtaxe considérable les vins, les eaux-de-vie et divers articles de nos manufactures.

Ce défi, jeté par un conseil de marchands, parut aux courtisans du grand roi un crime de lèse-majesté. L’invasion de la Hollande fut résolue. Louis XIV effectua ce trop fameux passage du Rhin, à peine disputé par quelques centaines de cavaliers et deux régimens d’infanterie sans canons. On connaît l’issue de cette guerre inique. Louvois, dont la faveur dominait dans les conseils la sagesse éprouvée de Condé, de Turenne et de Vauban, dicta aux vaincus des conditions intolérables : il eût voulu que, chaque année, la Hollande envoyât à Louis XIV une médaille d’or en signe de soumission. Cette exigence, inepte autant qu’arrogante, sauva la Hollande. Le gouvernement populaire, qui avait compromis le pays sans savoir le défendre, succomba dans une crise sanglante. Le prince d’Orange, exploitant les sympathies religieuses et les intérêts commerciaux de l’Angleterre, ralliant les ennemis naturels de Louis XIV, donna à une guerre de tarifs une importance européenne. Après cinq années de lutte, la France, victorieuse de la coalition, dicta fièrement la paix. Le traité de Nimègue lui donna la Franche-Comté, Cambrai, Valenciennes, Fribourg et plusieurs autres places. Ce furent ainsi les vieilles monarchies, l’empire et l’Espagne, qui payèrent les frais de la guerre. La Hollande, sans rien perdre de sa souveraineté territoriale, resta triomphante sur le terrain des intérêts commerciaux : elle obtint, par l’article 7 du traité de Nimègue, l’abrogation de ce fameux tarif de 1667, et le retour au tarif modéré de 1664.

Avec le caractère qu’on lui connaît, Colbert dut être cruellement humilié du sacrifice de son œuvre. Son but était du moins atteint en partie. Des manufactures, sur la prospérité desquelles il s’abusait, avaient pris position en France. Il faut bien croire après tout que les résultats