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au mouvement des fonds publics, depuis le ministre jusqu’au dernier des agens fiscaux, avait réduit la classe infime de la population à une sorte de sauvagerie. « Le royaume est si fort épuisé, est-il dit dans les remontrances adressées au roi vers les derniers temps de la fronde, qu’il y a peu de personnes à la campagne auxquelles il reste un lit pour se coucher. » Pendant les années suivantes, quelques maisons de refuge pour les mendians, des lois sévères contre le vagabondage, dissimulèrent le mal sans beaucoup l’atténuer. Deux mauvaises récoltes, et par suite un renchérissement excessif des grains, dès l’avènement de Colbert, mirent à nu des souffrances épouvantables. On vit, dans les provinces, les pauvres mourir littéralement de faim. Le Blaisois, le Vendômois, le Maine, la Touraine, le Berry, la Champagne, furent particulièrement désolés. Un document cité par M. Clément nous montre des malheureux « sans lit, sans habits, sans linge, sans meubles, noirs comme des Maures, la plupart défigurés comme des squelettes, et les enfans enflés. » Des bandes de paysans s’organisent pour le pillage, et, loin de les effrayer, la potence qu’ils ont en perspective leur promet la fin de leurs maux. On mange l’herbe des chemins, on déterre les cadavres : on cite même des malheureux qui retardent leurs derniers instans en rongeant leurs propres membres. Qu’on se souvienne qu’à cette époque de privilège, l’impôt pesait particulièrement sur les pauvres, et qu’on se fasse une idée des contribuables sur lesquels un ministre des finances devait opérer !

Aussi, depuis la mort de Sully jusqu’à l’avènement de Colbert, on vécut au moyen des anticipations. Le revenu de chaque année était employé, non pas pour les besoins du présent, mais pour solder les avances obtenues sur les années antérieures. En conséquence, l’art du financier consistait à escompter l’avenir ; le plus considéré était celui qui savait obtenir des traitans les plus fortes avances sur les ressources éventuelles des années postérieures. M. Clément, qui a pris la peine de lire les quinze volumes écrits par Fouquet pour sa justification, a pu donner les détails les plus curieux sur les désordres de cette époque. La gloire de Colbert est d’avoir cherché l’augmentation du revenu dans l’accroissement de la richesse nationale. L’ensemble de ses réformes et jusqu’à ses erreurs administratives ne sont qu’une extension exagérée de ce principe.

Telle était, suivant M. Clément, la situation financière à la chute de Fouquet : « En 1661, la France payait 90 millions d’impôts, sur lesquels il en restait près de 35 à l’état, prélèvement fait des frais de perception et des rentes à servir. En outre, deux années du revenu étaient consommées d’avance. » Les abus en matière de finance étaient si monstrueux, si généralement réprouvés, qu’un réformateur pouvait compter sur l’assentiment populaire, autant que sur le prestige de la monarchie