de son pinceau et réussissait à mettre de l’originalité jusque dans le pastiche, les peintres de Dresde ne sortaient pas de leur honnête médiocrité. Dresde possède l’un des plus magnifiques musées de l’Europe, et ses collections précieuses ont un éclat sans pareil ; Dresde, pourtant, n’est pas une ville d’art comme Munich ; le goût manque dans l’ordonnance de tous ces trésors, et les chinoiseries y tiennent trop de place. On est peu sensible à l’inspiration du beau, on ne l’est pas davantage aux idées purement spéculatives. Les sciences naturelles sont fort en crédit, et l’école des mines de Freyberg est une institution de premier ordre ; mais on n’aime pas beaucoup aller au-delà de cette sphère positive. La métaphysique de Schelling et de Hegel n’a point eu d’assez vifs entraînemens pour enlever ces raisonneurs prosaïques, et personne n’est moins près d’un philosophe hégélien qu’un théologien saxon. Il y a de l’un à l’autre tout le chemin qui sépare le critique de sang-froid du révolutionnaire passionné ; c’est ce que je devais bientôt comprendre en faisant connaissance à Halle avec les amis protestans. La domination trop exclusive du simple bon sens a certainement ses ennuis et suppose peut-être quelque infirmité ; toujours est-il qu’elle façonne presque nécessairement aux choses pratiques, et c’est un grand point, en Allemagne surtout. La Saxe, inclinant très décidément de ce côté-là, n’était pas à même de fournir son contingent de héros dans toutes ces conspirations teutonnes qui n’aboutirent point : la politique d’imagination lui allait mal ; en revanche, quand elle eut une fois une charte, elle en tira le meilleur parti possible, et, les circonstances aidant, l’aptitude lui vint très vite pour une politique plus sérieuse.
La vie publique n’est pas seulement chez elle une affaire de tempérament, c’est une nécessité de défense nationale, clairement aperçue par l’instinct populaire. En Bade, en Wurtemberg, les lois modernes, aussitôt établies, avaient été plus ou moins garanties par le seul effet du voisinage. Il sera toujours bien difficile d’empêcher que le contact de la France ne profite un peu aux jeunes libertés qui sont nées à l’ombre de sa révolution. La Saxe n’a point à sa frontière de relations si favorables ; il semble qu’elle soit étouffée par la pression des deux grands états absolus de l’Allemagne, et, serrée, pour ainsi parler, entre les deux, elle éprouve d’autant plus le besoin de leur échapper. De là naît cette susceptibilité jalouse qui se manifeste dans les chambres aussitôt que le gouvernement paraît séduit ou menacé par l’ascendant d’une des hautes puissances. De là cette attitude encore assez ferme que les membres d’un cabinet de second ordre doivent prendre parfois dans leurs rapports officiels avec les ministres de Vienne ou de Berlin ; de là cette sympathie plus générale, plus active qu’ailleurs pour toutes les questions dans lesquelles la patrie allemande subit à son détriment l’influence égoïste de ces dominateurs qui se sont arrogé le droit de la conduire