Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglais : c’est la résistance des juges même du tribunal de l’amirauté chargé de prononcer sur le sort des bâtimens brésiliens capturés par les croiseurs de l’Angleterre. Ce fait singulier ressort d’un arrêt rendu, en décembre 1845, dans la cause de deux navires brésiliens qui avaient été capturés sur la côte d’Afrique par un croiseur anglais, l’un en flagrant délit de traite, l’autre comme suspect d’être employé au même trafic. Un croiseur de la côte d’Afrique, le Wasp, avait opéré la saisie de la goélette brésilienne la Felicitade, frétée au Brésil pour l’Afrique, afin d’y prendre un chargement d’esclaves, et ayant en réalité l’équipement nécessaire pour faire la traite. La capture avait été faite par deux embarcations du Wasp. L’équipage brésilien avait été transporté à bord du croiseur, et seize matelots anglais, commandés par un lieutenant et un midshipman, avaient été placés sur la prise, avec mission de donner la chasse à un autre navire qui était en vue. Ce navire était l’Écho, chargé de quatre cent trente-quatre esclaves. Il ne tarda pas à être atteint et fut obligé de se rendre. On envoya à bord de la Felicitade le capitaine et douze hommes de l’équipage de l’Echo. Le lieutenant anglais passa de la Felicitade sur l’Écho avec sept hommes ; le midshipman resta sur la Felicitade avec les neuf autres matelots anglais. Une heure s’était à peine écoulée depuis cet arrangement, lorsque le capitaine et les douze marins de l’Echo se jetèrent sur l’équipage anglais et le massacrèrent ainsi que le midshipman. La Felicitade, dont ils venaient ainsi de se rendre maîtres, ne resta pas long-temps entre leurs mains ; elle fut reprise par le Wasp, et conduite, ainsi que les meurtriers, à Londres.

L’acte d’accusation portait que la Felicitade, au moment du meurtre des marins anglais, se trouvait légalement sous la garde des officiers de sa majesté britannique, et que tous les hommes qui se trouvaient à bord étaient placés, par conséquent, sous la juridiction de l’amirauté anglaise. La défense soutint que la Felicitade avait été capturée illégalement et qu’elle était demeurée la propriété des Brésiliens, quoiqu’elle eût été placée par la force entre les mains d’officiers de la marine anglaise ; que l’Echo avait été aussi capturé illégalement, car les hommes qui étaient montés en premier lieu sur ce navire au moment où il avait été atteint par la Felicitade étaient conduits par un midshipman, et que les équipages de ces deux navires, étant ainsi détenus illégalement, avaient été en droit de faire tout ce qui était nécessaire pour recouvrer leur liberté et leur propriété, conformément à la loi universellement reconnue par toutes les nations civilisées. Les juges déclarèrent la prévention de piraterie dirigée contre l’un et l’autre navire mal fondée pour deux raisons : la première, parce que le fait de traite de la part des Brésiliens ne constitue pas un cas de piraterie, tant que l’assimilation