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chambre des lords, a aboli la traite, et plus tard, lorsqu’il a affranchi les esclaves, il a agi contre les intérêts coloniaux de la Grande-Bretagne. La traite des noirs était un trafic hasardeux, mais si lucratif, qu’on peut dire que jamais spéculation il a été plus recherchée par les négocians anglais. L’abolition de la traite fut fondée sur des raisons de justice, d’humanité et de saine politique, et cependant il n’est pas douteux qu’elle n’ait été ordonnée au grand détriment d’une classe nombreuse de commerçans anglais. De même, lorsque l’esclavage a été aboli, en 1833, la somme considérable qui a été donnée pour indemnité aux anciens propriétaires d’esclaves n’a pas empêché ceux-ci de subir une perte irréparable. La question qui se présente maintenant est celle-ci : lorsque le gouvernement anglais a proclamé l’abolition de la traite, a-t-il prétendu faire passer les avantages de ce trafic dans les mains du Portugal et du Brésil ? Est-ce pour un pareil résultat que l’Angleterre a payé une indemnité considérable lors de l’émancipation des esclaves ? Avons-nous souffert des pertes au profit des planteurs du Brésil et de Cuba, et tout exprès pour créer à nos colonies une concurrence sur les marchés du monde ? » En parlant ainsi, lord Brougham ne faisait qu’exprimer les sentimens qui animent tous les Anglais, et qui doivent servir de règle de conduite à tous les cabinets.

Il faut donc admettre comme évidente la supposition que ni le Brésil ni l’Angleterre ne reculeront. La loi du 8 août sera exécutée, mais atteindra-t-elle le but dans lequel elle a été conçue ? Il est permis d’en douter. Les dispositions de cette loi ne reproduisent après tout que les stipulations des conventions de 1817 et de 1826. Sera-t-elle plus efficace ? rien ne le prouve. Ces conventions ont été fidèlement, rigoureusement exécutées, au moins de la part de l’Angleterre, et, comme on l’a vu, elles n’ont nullement empêché l’importation dans le Brésil des noirs nécessaires à la culture et aux mines. « Nous convenons, disait l’année dernière sir Robert Peel, nous convenons que les mesures employées jusqu’à présent ont été impuissantes. L’impossibilité d’empêcher l’introduction d’esclaves au Brésil est reconnue. Quelles que soient les forces que l’on déploie sur les côtes de ce pays, on pourra toujours y verser des cargaisons d’esclaves ; on pourra les y jeter par milliers. La connivence des autorités locales, la puissance d’un sordide intérêt, ne laissent pas d’espoir de ce côté. » Or, l’Angleterre a-t-elle découvert de nouvelles mesures de répression plus sûres que celles dont elle s’est servie jusqu’à ce jour ? Nullement, et une expérience de trente années aurait dû la convaincre de l’impuissance des croisières à empêcher la traite.

Il y a un autre obstacle à l’exécution de la loi du 8 août, qui n’est pas moins considérable et auquel ne s’attendait assurément pas le gouvernement