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nous ont été conservées sur papyrus, et qu’ont interprétées des hellénistes du premier ordre, MM. Hase et Peyron, nous fournissent de curieux renseignemens sur l’intérieur d’un Sérapeum. On voit qu’il y avait là des reclus et des recluses qui vivaient sous l’autorité d’un prêtre égyptien, supérieur de l’établissement. Ces habitans forcés du Sérapeum étaient voués au culte de diverses divinités, les unes égyptiennes, comme Anubis, les autres syriennes, comme Astarté, on persanes, comme Mithra. Ainsi le cénobitisme chrétien a été devancé en Égypte, où il est né, par les reclus du Sérapeum, comme la vie solitaire des ermites l’a été par les thérapeutes. Ces cloîtres étaient l’asile du vieux fanatisme égyptien et de la vieille haine pour les races étrangères. Nous possédons une requête d’un Macédonien enfermé dans le Sérapeum de Memphis, et qui se plaint d’être en butte aux persécutions du supérieur, à la brutalité de ses agens, parce qu’il est Grec. A Alexandrie, bien que le Sérapeum ait été pareillement le refuge du culte et de l’esprit antiques, il s’est fait une alliance entre cet esprit et l’esprit grec, qui, dans cette ville grecque, pénétrait partout.

La bibliothèque qui succéda à celle qu’avait brûlée César, et qu’on appelait la fille de la première, était dans le Sérapeum. Une partie des livres était probablement placée dans ces cabinets ouverts à toute la ville dont parle Aphtonius. A une époque plus ancienne, si la clôture religieuse exista jamais à Alexandrie comme à Memphis, les livres devaient se trouver dans une portion extérieure de l’édifice ouverte aux profanes, à peu près, j’imagine, comme à Rome la bibliothèque de la Minerve, qui appartient au couvent des dominicains, est accessible au public. Tertullien indique dans la bibliothèque du Sérapeum un exemplaire de la Bible en hébreu, ce qui montre que les Juifs y étaient admis.

Le Sérapeum s’élevait dans l’acropole, sur cette éminence aujourd’hui moins considérable, avec le temps toutes les hauteurs s’affaissent, mais d’où la vue domine encore la ville et la mer. Là devait être aussi la citadelle de l’ancienne Racotis, antérieure à Alexandrie, poste militaire établi par les Pharaons pour garder la côte et pour surveiller les nomades de l’ouest. C’était, du reste, un magnifique édifice que le Sérapeum d’Alexandrie ; on y montait par cent degrés, et Ammien-Marcellin le compare au Capitole. De son sommet, comme du point le plus élevé de la ville, Caracalla contempla le massacre qu’il avait ordonné. C’est autour du Sérapeum, au cœur de la vieille Alexandrie, que se heurtaient surtout dans un conflit opiniâtre les deux religions rivales. C’est sur les degrés qui conduisaient au temple que se tenait intrépidement Origène, mêlé aux prêtres égyptiens, distribuant comme eux des palmes à ceux qui se présentaient, et leur disant : « Recevez-les, non pas au nom des idoles, mais au nom du vrai Dieu. » C’est là que, sous Julien, les païens traînaient les chrétiens, pour immoler ceux qui refusaient