manière dont s’écrivaient et se lisent les hiéroglyphes. Après les signes qui expriment phonétiquement, c’est-à-dire par le son, le mot S-KA-N-F, qui, d’après les analogies du lexique et de la grammaire cophte, veut dire a fait élever, sont placés deux obélisques debout côte à côte. Ainsi la première partie de la phrase est écrite pour les oreilles, la dernière pour les yeux. J’ai isolé exprès cette phrase, très courte et très simple, pour donner au lecteur le moins exercé une notion claire des procédés de l’écriture hiéroglyphique.
On voit que, grace à six signes dont le sens est incontestable, et au nom de Thoutmosis qui est connu, on sait avec certitude quand et par qui ont été élevés la première fois les obélisques d’Alexandrie ; quelques autres signes apprennent que celui qui les a élevés a été le libérateur de l’Égypte. En voilà assez, ce me semble, pour montrer, par ce premier exemple, de quelle utilité la lecture des inscriptions hiéroglyphiques peut être pour l’intelligence et l’histoire des monumens de l’Égypte.
Après les obélisques, ma première course fut pour la colonne de Pompée. Le lecteur eût été délivré de toute observation et de toute réflexion de ma part sur ce grand monument, si j’eusse eu la ponctualité d’un Anglais qui, sur son âne, avait galopé à mes côtés de l’auberge aux aiguilles de Cléopâtre, et des aiguilles de Cléopâtre à la colonne de Pompée. Nous étions juste à dix pas du but de notre course quand mon homme tire sa montre, tourne bride, et, montrant le dos à la colonne avant de l’avoir vue, me dit avec un flegme que je n’oublierai jamais « Il est dix heures, allons déjeuner. »
La première chose qui frappe en approchant du monument, ce sont des noms propres tracés en caractères gigantesques par des voyageurs qui sont venus graver insolemment la mémoire de leur obscurité sur la colonne des siècles. Rien de plus niais que cette manie renouvelée des Grecs qui flétrit les monumens quand elle ne les dégrade pas. Souvent il a fallu des heures de patience pour tracer dans le granit ces majuscules qui le déshonorent. Comment peut-on se donner tant de peine pour apprendre à l’univers qu’un homme parfaitement inconnu a visité un monument, et que cet homme inconnu l’a mutilé ?
La colonne de Pompée n’a rien à faire avec la mémoire de Pompée. Ici comme partout la tradition a attaché un nom célèbre à un monument épargné par le temps. C’est ainsi qu’à Rome une tour du moyen-âge s’est appelée Tour de Néron, et qu’à Athènes un monument choragique s’est appelé Lanterne de Démosthène. En Égypte, il fallait retrouver Pompée. Cependant qui eût élevé une colonne à Pompée ? Ses meurtriers ou son vainqueur ? L’histoire en parlerait. Elle parle bien des statues qui ornaient son tombeau sur la grève et qu’Adrien y fit replacer. D’ailleurs, Pompée n’est jamais venu à Alexandrie ; ce fut sur un autre point de la côte, près de Peluse, qu’il aborda et fut assassiné par