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ou rois pasteurs battus par Thoutmosis III. Si on continue d’admettre encore que les pasteurs furent chassés d’Égypte durant le premier règne de la dynastie dont il est le cinquième roi, il faudra supposer une nouvelle irruption des barbares rentrant en Égypte sous Thoutmosis III, comme on sait qu’ils y rentrèrent après lui à la fin de la dix-huitième dynastie. Ce serait dans tous les cas une guerre nouvelle, une nouvelle invasion des nomades ajoutée aux annales de l’ancienne Égypte ; mais j’aime mieux placer sous Thoutmosis III l’expulsion des pasteurs, que Manethon dit avoir eu lieu sous un Thoutmosis, qui me paraît être celui-ci[1]. S’il en est ainsi, les hiéroglyphes nous auront appris quel fut le roi qui eut la gloire de délivrer le vieil empire et de commencer le nouveau ; de faire ce que n’a fait aucun empereur romain, de repousser pour jamais les envahissemens barbares, et de restaurer cette civilisation plus vivace que la civilisation romaine, puisque cinq siècles de conquêtes n’avaient pu l’étouffer. C’est un assez grand fait dans l’histoire du monde, pour qu’il vaille la peine de savoir le nom de celui qui l’a accompli.

Quant au second obélisque, si les légendes latérales qui se rapportent à Sésostris ne nous apprennent rien de plus sur lui que sur le premier, il n’en est pas de même de la légende médiane, dans laquelle se trouve le nom plus ancien de Thoutmosis III. Elle contient la phrase essentielle de l’inscription, phrase deux fois répétée sur deux côtés du monument :

THOUTMOSIS III (désigné par le prénom qui le distingue) A FAIT ÉLEVER DEUX OBÉLISQUES.


Le sens des six signes qui composent cette courte phrase ne saurait être douteux ; ils se retrouvent sur plusieurs autres obélisques, entre autres sur l’obélisque de Paris. Ils apprennent d’une manière certaine sous quel règne ces monumens ont été élevés. Ceux d’Alexandrie remontent à Thoutmosis III, c’est-à-dire au XVIIe siècle avant notre ère ; celui de Paris et son frère de Luxor sont moins anciens d’environ deux siècles ; ils ne remontent qu’à Sésostris. Cette inscription achève, dans les deux cas, de montrer que les obélisques étaient, en général, élevés par couples, comme l’atteste aussi la place où on les a trouvés à Luxor, à Karnac, ici même, et celle qu’on leur a donnée sur la mosaïque de Palestrine, et à Rome devant le temple d’Isis.

Cette courte phrase peut servir à donner au lecteur une idée de la

  1. Amasis, sous lequel on place ordinairement l’expulsion des pasteurs, paraît bien s’être appelé aussi Thoutmosis ; mais on ne voit pas que son père ait porté le nom de Misphragmuthosis, et c’est un Thoutmosis, fils de Misphragmutosis, qui a chassé les pasteurs. Or, ce dernier nom est celui du père de Thoutmosis III. Seul M. Bunsen attribue à ce Pharaon l’expulsion des pasteurs. Je crois que ce passage de l’inscription de l’obélisque d’Alexandrie lui donne raison sur ce point contre ses savans adversaires.