C’est la seule interprétation raisonnable d’un texte hiéroglyphique que les anciens nous aient transmise. Aussi le père Kircher a eu bien soin de la rejeter pour mettre à la place une métaphysique assez réjouissante de sa façon. On retrouve dans la version d’Hermapion cette accumulation d’épithètes et de formules louangeuses que présentent en effet les inscriptions des obélisques. On comprend, en les lisant, ce qu’étaient les pyramides sur lesquelles l’ami de Virgile, Cornelius Gallus, préfet d’Égypte sous Auguste, avait fait graver ses louanges, et l’on s’explique l’origine de cette locution proverbiale, « il est digne de l’obélisque, » en parlant de ceux qui étaient dignes de louanges. D’autre part, quand Melampus, dans la dédicace d’un traité de médecine, prétendait avoir trouvé les propriétés merveilleuses du pouls consignées sur les obélisques, il y a beaucoup à parier que Melampus parlait en charlatan, et que jamais obélisque n’a enseigné à personne la médecine ou la physiologie ; mais en vertu de cette opinion universellement répandue, que tout était plein de mystères chez les Égyptiens, comme parle saint Clément d’Alexandrie, la croyance aux secrets merveilleux sculptés sur les obélisques s’est conservée jusqu’à nos jours. Presque seul, Zoega, par un bon sens qu’on peut appeler précurseur, a rejeté ces prétendues découvertes de mystères profonds, plus ingénieuses que vraies, dit-il, acutiùs quam veriùs. Dans le grand ouvrage d’Égypte, on trouve aussi quelques heureux pressentimens de la vérité ; puis Saint-Genis retombe sous l’empire des vieux préjugés réchauffés par les folies de Dupuis, et il ne doute pas que les obélisques d’Alexandrie n’aient un objet astronomique et religieux. Au lieu de tout cela, il n’y a sur les obélisques d’Alexandrie, aussi bien que sur ceux de Rome ou de Paris, que des inscriptions dans le genre de celles que l’on trouve gravées sur les monumens grecs et latins, désignant et célébrant celui qui les a élevés. Ici les inscriptions sont moins simples, plus longues, plus dans le goût oriental, voilà toute la différence. Le géographe arabe Edrisi donne gravement une traduction de l’inscription hiéroglyphique des aiguilles de Cléopâtre. Selon Edrisi, l’inscription tracée en caractères syriens parle d’un roi Jamor qui a élevé les principaux édifices d’Alexandrie et fait apporter de loin les obélisques. Cette traduction de fantaisie est moins extravagante que celles de Kircher. Son auteur semble avoir eu du moins une notion confuse du genre de faits que rappelaient les hiéroglyphes des obélisques.
Les deux aiguilles de Cléopâtre présentent les noms des mêmes Pharaons, bien que les inscriptions ne soient pas identiques. Sur la bande du milieu, on lit le nom de Thoutmosis III ; sur les deux bandes latérales, le nom de Rhamsès-le-Grand, dans lequel on s’accorde à reconnaître le Sésostris des Grecs. Il n’est pas rare de voir ainsi les noms de deux Pharaons figurer sur le même obélisque. Un roi élevait le monument et y gravait son nom ; un autre roi venait ensuite graver le sien à côté du