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probablement les traits d’une des treize filles de Sésostris dont je verrai bientôt les images sculptées sur les parois du Memnonium à Thèbes, et du temple d’Essebouâh en Nubie, dont l’une, la princesse Batianté, m’attend ; figure colossale au seuil de la grande salle de Karnac.

La statue de Marseille n’est point sans valeur sous le rapport de l’art. Les bras en particulier sont traités avec un sentiment remarquable, mais le mérite principal de cette sculpture est de porter écrit un nom qui est une date et une désignation d’origine. Les statues-portraits de grandeur naturelle, et surtout les statues de femmes, ne sont pas nombreuses dans les musées égyptiens. Il est déplorable que celle-ci soit reléguée dans un passage, et rencoignée de telle sorte qu’on ne puisse sans beaucoup d’efforts lire l’inscription hiéroglyphique à laquelle elle doit son principal intérêt. M. Reynard, député de Marseille, si zélé pour tout ce qui concerne l’embellissement de cette ville, et qui sous la restauration fut avec le savant et spirituel docteur Cauvières le fondateur de cet athénée où je m’honore d’avoir débuté dans la carrière de l’enseignement, M. Reynard ne saurait être indifférent au sort de la statue égyptienne de Marseille ; il m’a promis de la faire placer au milieu d’une salle, de manière qu’on puisse tourner autour et lire le nom de Sésostris[1]. Je ne serai content que quand je verrai tout-à-fait revenue à la lumière cette princesse égyptienne qu’un heureux hasard m’a fait découvrir. Puisse cette première rencontre avec l’Égypte sur le sol de France porter bonheur à mes explorations futures dans le pays des Pharaons !


12 décembre, en vue de la côte d’Égypte.

On ne peut plus dire comme au temps d’Homère : Le voyage d’Égypte est long et difficile. Rien de plus aisé, au contraire, que de s’embarquer à Marseille sur les bateaux à vapeur qui partent chaque mois. En sept jours, peut-être en six, on sera comme je le suis à cette heure en vue de la côte d’Égypte[2]. Si j’en ai mis douze à venir de Marseille, c’est que j’ai employé une semaine à revoir les antiquités égyptiennes de Rome et à visiter celles de Naples.

Arriverons-nous aujourd’hui à Alexandrie ? Le cœur me bat à cette question que j’entends poser et discuter auprès de moi. Il faut être à l’entrée des passes avant la nuit pour que le pilote arabe puisse sortir du port et venir nous chercher. La nuit approche ; on est dans l’incertitude ; tous les regards sont fixés vers le point de la côte où de moment

  1. Je rappelle de nouveau à M. Reynard cette promesse, qui, me dit-on, n’est pas encore accomplie. — Note de 1846.
  2. On tente en ce moment des expériences dont le but est d’arriver à faire en cinq jours le trajet de Marseille à Alexandrie. — Note de juillet 1846.