des couronnes sur les têtes de leurs pères qui avaient succombé, et de leurs mères endormies du sommeil de la mort.
Et les hommes ont relevé leurs fronts, et ils souriaient en reconnaissant leurs enfans transfigurés ; et les mères ouvrirent les yeux, poussant des cris de foie, et, s’échappant des bras de leurs maris, elles descendirent sur le pavé de la cathédrale, levant les mains vers les anges, les appelant par leurs noms, leur tendant les lèvres comme pour les baiser au front, et elles poursuivaient toutes ces figures aériennes qui passaient et repassaient au-dessus d’elles comme des fleurs et des étoiles.
Et pour la seconde fois les orgues tonnèrent ; alors, dans les bancs vides et comme après un martyre de toute la vie, les hommes prirent place ; devant eux et au pied de l’autel les femmes se sont assises ; la pâleur alors couvrit leurs visages, et elles tombèrent dans un sommeil profond. Les hommes, après avoir déposé à terre leurs armes, ôtèrent de leur front leurs couronnes d’épines et les élevèrent vers la statue du Christ ; mais, hélas ! ils ne pouvaient rien dire, rien demander, car leurs poitrines étaient percées de blessures, et, sous la douleur et la fatigue, leurs lèvres étaient muettes.
Et les lampes, de plus en plus, s’assombrissaient ; les brouillards tombaient des voûtes, se nouant comme des linceuls ; l’un après l’autre, les cierges s’éteignaient ; les sons calmes et harmonieux disparaissaient sous le mugissement des orgues, et plus l’obscurité augmentait, plus les orgues retentissaient ; la statue du Christ blanchissait et grandissait devant moi ; l’église tout entière se remplissait d’une brume grise, et dans tout l’espace grondait un bruit terrible, semblable à celui des trompettes embouchées par les archanges ; et la grande figure élevée au-dessus du maître-autel semblait s’approcher, plus blanche, plus vivante : elle, semblable au soleil, — eux, tout noirs, — et la sombre et noire église tremblait dans ses fondemens comme un arbre secoué par les vents d’automne. Et la figure descendit, et, s’arrêtant au-dessus des femmes, elle jeta un regard sur les hommes assis, et son regard fut comme un jet de blanche lumière se détachant du diamant.
Les femmes se sont levées, et, se couvrant les yeux, elles ont soupiré : « Ô Seigneur, rendez-nous nos enfans ! » Et les hommes, tombant le front contre terre, ont crié : « Ô Seigneur, rends-nous notre patrie ! »
Et la figure descendit plus bas, et tous se levèrent pour la suivre, et elle les conduisit vers l’ouverture des tombeaux ; mais, tandis qu’elle s’avançait devant eux, ses pieds ne touchaient pas la terre.
Et, comme un soleil couchant, elle descendit la première dans le noir tombeau, en leur disant : « ici est le lieu du repos ; sur vous comme sur moi cette pierre sera posée. Pourquoi êtes-vous indécis ? Ne suis-je pas avec vous ? » Et tous ont disparu, et jusqu’au dernier tous sont descendus en suivant la figure du Christ. Et l’énorme pierre qui portait cette inscription : Nation, je l’ai vue s’élever et retomber ; — et les orgues tonnèrent pour la dernière fois, et le dernier cierge s’éteignit.
Et, au milieu des ténèbres, j’ai entendu comme un chœur des esprits leur chantant un dernier adieu :
« Étendez vos bras sur la froide couche, reposez vos têtes sur le chevet du