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d’un lieu que je ne voyais point. Il s’y passait un bruit étrange, comme le froissement de feuilles sèches se roulant sur elles-mêmes et poussées par le vent, comme le murmure de plusieurs voix assombries par la douleur, comme une plainte des morts qui se réveilleraient et se rendormiraient.

Et la voix me dit : « À présent, prie pour eux, Césara ! » Et j’aperçus devant moi l’intérieur immense de la cathédrale. J’étais debout à la hauteur du chœur, et de là je regardais dans l’immense profondeur pleine de chapelles, d’autels, de colonnes, de bancs noircis par le temps, de lampes qui brûlaient devant les images, devant les statues, qui çà et là jetaient leurs lueurs au-dessus des tombeaux de guerriers, au-dessus du baptistère, de la chaire, partout, au pied et au sommet des colonnes gothiques, sur les arches, aux frontons des cintres et le long des ogives. Mais leurs rayons, ternes et assombris par un brouillard à peine visible, étaient comme des larmes suspendues dans l’air.

Et au milieu de la cathédrale j’aperçus une large ouverture, comme si l’entrée des catacombes attendait quelqu’un. Et une large pierre reposait à côté de cette noire ouverture, dalle immense, blanche comme l’albâtre, ourlée d’un long ruban de sang, marquée au milieu d’une croix sanglante, et sous la croix était écrit, aussi avec du sang, ce mot : Nation !

L’immense église était vide ; tout à coup j’eus au fond de mon ame comme le pressentiment d’une musique mystérieuse. De mon cœur sortaient d’ineffables accords ; puis les notes s’échappaient plus distinctes et tombaient sur moi semblables à des gouttes de rosée, puis un immense murmure plein de mélodie s’est élevé, et la grande cathédrale a sangloté ses accords.

Chaque autel, chaque colonne, chaque dalle a résonné comme une corde ; chaque statue a poussé une plainte, un gémissement mélodieux, et ce chant grandissait tranquille, grave comme le chant des esprits invisibles, comme une sincère souffrance, comme nue fervente prière, envoyée vers le Dieu tout-puissant pour obtenir une heure d’allégement, un sommeil d’oubli, un peu d’amour et de pitié !

Tout à coup les orgues ont éclaté comme un coup de tonnerre, et le silence se fit ; les portes de la cathédrale s’ouvrirent, et la voix me dit : « Césara ! Césara regarde, car ce sont eux qui entrent. »

Et ces hommes qui avaient succombé, qui étaient morts, entraient l’un après l’autre, portant leur étendard comme ils l’avaient porté durant leur vie, appuyant conte leur sein leurs femmes, ces anges tués, tenant en main leurs armes brisées ; ils marchaient sans bruit comme des brouillards poussés lentement par le vent ; ils s’avançaient le front baissé, plein de souvenirs et de douleurs ; mais leurs enfans n’étaient pas avec eux.

Aussitôt qu’ils eurent passé le seuil de la cathédrale, se dirigeant vers le maître-autel, là où il me semblait voir la blanche statue du Christ, là où des essaims d’anges de marbre montraient leurs têtes du haut de la voûte, la musique s’éleva, douce, tendre et rêveuse corme le souvenir du bonheur ; des bouquets de fleurs parsemèrent l’air, et des milliers de roses blanches tombèrent comme des flocons de neige sur le pavé. L’essaim d’anges aux ailes de papillon s’entoura d’un arc-en-ciel ; tous élevèrent leurs petites mains, se suspendirent dans l’air, et, voltigeant çà et là, cherchaient avec leurs yeux brillans à reconnaître ceux qui arrivaient, et, quand ils les avaient reconnus, ils couraient à eux, posant