LES FEMMES DU CAIRE. 27
vous comprendrez que l’humble theatro del Cairo doit encore un certain éclat à ces toilettes levantines. Pour moi, j’étais ravi, après tant de figures noires que j’avais vues dans la journée, de reposer mes yeux sur des beautés simplement jaunâtres. Avec moins de bienveillance, j’eusse reproché à leurs regards d’abuser des ressources de la teinture, à leurs joues d’en être encore au fard et aux mouches du siècle passé, à leurs mains d’emprunter sans trop d’avantage le teinte orange du henné ; mais il fallait, dans tous les cas, admirer sans réserve les contrastes charmans de tant de beautés diverses, la variété des étoffes, l’éclat des diamans, dont les femmes de ce pays sont si fières, qu’elles portent volontiers sur elles la fortune de leurs maris ; — enfin je me refaisais un peu dans cette soirée d’un long jeûne de frais visages qui commençait à me peser. Du reste, pas une femme n’était voilée, — et pas une femme réellement musulmane n’assistait par conséquent à la représentation. On leva le rideau ; je reconnus les premières scènes de la Mansarde des Artistes.
O gloire du vaudeville, où t’arrêteras-tu ? — Des jeunes gens marseillais jouaient les principaux rôles, et la jeune première était représentée par Mme Bonhomme, la maîtresse du cabinet de lecture français. J’arrêtai mes regards avec surprise et ravissement sur une tête parfaitement blanche et blonde ; il y avait deux jours que je rêvais les nuages de ma patrie et les beautés pâles du Nord ; je devais cette préoccupation au premier souffle du khamsin et à l’abus des visages de négresses, lesquels décidément prêtent fort peu à l’idéal.
A la sortie du théâtre, toutes ces femmes si richement parées avaient revêtu l’uniforme habbarah de taffetas noir, couvert leuirs traits du borghot blanc, et remontaient sur des ânes, comme de bonnes musulmanes, aux lueurs des flambeaux tenus par les saïs.
Le lendemain, songeant aux fêtes qui se préfiaraient pour l’arrivée des pèlerins, je me décidai, pour les voir à mon aise, à prendre le costume du pays.
Je possédais déjà la pièce la plus importante du vêtement arabe, le machlah, manteau patriarcal, qui peut indifféremment se porter sur les épaules, ou se draper sur la tète, sans cesser d’envelopper tout le corps. Dans ce dernier cas seulement, on a les jambes découvertes, et l’on est coiffé comme un sphinx, ce qui ne manque pas de caractère. Je me bornai pour le moment à gagner le quartier franc, où je voulais opérer ma transformation complète d’après les conseils du peintre de l’hôtel Domergue.
L’impasse qui aboutit à l’hôtel se prolonge en croisant la rue prin-