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encore, quand de nombreux brasiers, allumés instantanément, comme par magie, de distance en distance, chassèrent tout à coup les ténèbres, et vinrent éclairer des scènes étranges qui semblaient la réalisation des rêves d’un cerveau malade. Au milieu des troncs d’arbres serrés les uns contre les autres, et qui, à la lueur des brasiers, s’étaient transformés en colonnes de fer rougi, sous un dais de fumée qui s’échappait par tous les interstices du dôme de feuillage, des groupes bizarres d’animaux s’agitaient en tous sens. On se serait cru transporté aux premiers jours de la création, quand la guerre n’avait pas encore éclaté parmi les diverses races d’animaux, ou bien encore, à la lueur du feu qui jetait irrégulièrement ses clartés rougeâtres, on eût dit un vaste pandaemonium, la décoration d’un théâtre infernal. Pour ceux qui ne savent pas jusqu’à quel point les Indiens poussent l’art des déguisemens et de l’imitation des animaux, l’illusion eût été effrayante. Seulement, quand les flammes des foyers s’élevaient en pétillant, elles éclairaient parmi les branches des formes d’oiseaux trop colossales pour appartenir à la réalité. Au moment où l’Anglais et moi considérions cette scène d’un air ébahi, notre guide nous rejoignit.

— Tout va bien, dit-il. Maintenant vous allez assister au repas du soir, pour lequel, ajouta-t-il, les femmes indiennes ont déposé à l’avance près des divers foyers les provisions nécessaires.

Notre guide achevait à peine, quand la voix qui avait déjà imposé silence se fit entendre de nouveau.

— Que dit cette voix ? demandai-je à Cayetano.

— Les enfans des bois, répondit-il, rendront grace au grand Esprit, et chacun dans son langage, de la nourriture qu’il leur envoie. Ils ont faim, qu’ils mangent ! ils ont soif, qu’ils boivent !

Comme Cayetano terminait cette traduction, le plus effroyable benedicite qui eût jamais frappé oreille humaine éclata tout d’un coup en hurlemens, en sifflemens, en glapissemens, en cris de toute espèce, en un mot en tous les accens que la nature a donnés aux animaux. Puis tous s’élancèrent sur leur nourriture, en observant fidèlement les allures des bêtes qu’ils représentaient, tandis que le long des arbres descendaient en glissant les oiseaux qui perchaient sur leurs branches. Le repas achevé, tous les Indiens s’étendirent autour des foyers, y compris même les oiseaux que la fraîcheur des nuits eût glacés au sommet des arbres.

— Nous allons en faire autant, dit notre guide.

Cayetano battit le briquet et mit le feu à un amas de bois qu’il recueillit, après quoi chacun de nous, tirant les provisions qu’il avait apportées, se mit à manger de grand cœur. Le silence se faisait peu à peu, la nuit s’avançait, et les feux, avant d’expirer, éclairèrent long-temps