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d’un arrêt de justice la forme d’un assassinat par guet-apens, accompli à l’aide d’une longue complication de mensonges, d’artifices, de documens fabriqués. Jamais, en dépit de cette fausse dignité dans laquelle Philippe II affectait de s’envelopper pour voiler toutes les misères de sa nature morale, jamais le crime n’a dépouillé à ce point le caractère de grandeur apparente qu’il conserve quelquefois dans les hautes régions du pouvoir, et qui n’est que trop propre à faire illusion aux esprits doués seulement d’un sentiment superficiel du bien et du mal.

L’espérance que Philippe II avait conçue de persuader au public que Montigny était mort de maladie ne fut pas justifiée par l’événement. Dans les Pays-Bas, presque personne ne douta que le malheureux prisonnier n’eût été sacrifié à la vengeance royale, et bien que quelque incertitude ait subsisté jusque dans ces derniers temps sur le genre de sa mort, les uns prétendant même qu’il avait été empoisonné, comme on disait à tort que l’avait été le marquis de Berghes, les autres qu’il avait eu la tête tranchée dans sa prison, le fait essentiel, celui du meurtre, fut bientôt considéré comme constant, même en Espagne. Il arriva alors quelque chose de singulier : par suite de cette dépravation profonde du sens moral auquel un long despotisme conduit inévitablement les nations condamnées à le subir, ce forfait exécrable, qui peut-être, au temps de Philippe II, eût encore révolté beaucoup d’Espagnols trop récemment soumis au joug, ne tarda pas à être jugé par leurs descendans dégénérés comme un coup d’habile politique. Dans le siècle suivant, un poète ne craignit pas d’en faire un des épisodes principaux d’un drame consacré à la glorification de Philippe Il.

Ce poète, c’est don Diégo Ximénez de Enciso, dont les ouvrages sont moins remarquables par leur mérite littéraire que par l’empreinte forte et originale des préjugés et des passions de l’Espagne contemporaine. Le drame que je viens d’indiquer, c’est celui qui a pour titre le Prince don Carlos, et pour sujet la mort de ce malheureux fils de Philippe II. On sait qu’une tradition long-temps accréditée hors d’Espagne attache un intérêt romanesque à la destinée de ce jeune prince, victime, disait-on, de la jalousie barbare de son père, qui, après avoir épousé la femme d’abord promise à son amour, les avait fait périr l’un et l’autre pour punir des sentimens qu’ils n’avaient pas su cacher au fond de leur cœur. Rien de moins conforme à la vérité que cette tradition, dont tous les détails sont contredits victorieusement par le simple rapprochement des dates et par des faits incontestables. Don Carlos, jeune homme violent, grossier, emporté, qu’un accident physique avait frappé d’une sorte de folie furieuse, n’a dû sa fin prématurée qu’aux accès d’une fièvre violente causée par le régime extravagant auquel il s’était mis, et le seul prétexte qui ait pu donner matière à l’accusation calomnieuse dirigée contre Philippe II, c’est qu’un peu avant la mort de son fils, il l’avait