Telle est la substance du premier interrogatoire que Montigny eut à subir. Sept jours après, le 14 février 1569, il comparut de nouveau devant l’alcade, qui lui donna lecture du réquisitoire du fiscal et le somma de déclarer sous serment s’il n’avait rien à ajouter à ses premières réponses. Montigny se borna à en affirmer l’exactitude. L’alcade lui délivra alors une copie du réquisitoire ou acte d’accusation pour qu’il pût se mettre en état d’y répondre dans le délai de cinquante jours devant le duc d’Albe, et l’invita à munir une ou plusieurs personnes de pouvoirs suffisans pour suivre en son nom le procès, avec faculté de les transmettre à d’autres, sous peine d’être jugé par contumace. Montigny voulut décliner, comme il l’avait fait dès le premier jour, la compétence du tribunal qu’on lui assignait : il ne pouvait, disait-il, considérer le duc d’Albe comme son juge ; le seul qu’il pût reconnaître à raison de sa qualité de chevalier de la Toison-d’Or, c’était le roi, chef suprême de l’ordre ; c’était devant lui qu’il répondrait à ses accusateurs. L’alcade répliqua que le duc avait commission expresse du roi pour cette affaire, et que lui-même il agissait en vertu d’une commission royale. Montigny insista pour être jugé en Espagne par le roi lui-même ; il représenta qu’il avait lieu de considérer le duc d’Albe comme son ennemi personnel. Voyant bien cependant qu’il serait inutile de lutter plus long-temps contre une détermination irrévocable, il consentit à donner ses pouvoirs au comte Pierre de Mansfeldt, comme lui chevalier de la Toison, au prince d’Espinoy, au vicomte de Gant et à six autres individus, ses parens, amis ou serviteurs, pour qu’ils le représentassent en justice, soit ensemble, soit séparément, soit même par ceux qu’ils délégueraient à leur place.
J’ignore complètement le genre d’intervention que ces fondés de pouvoirs purent exercer, en effet, dans le procès de Montigny. D’après la marche que suivit l’affaire, cette intervention dut en tout cas être peu active. Un peu plus d’un an après le dernier interrogatoire, le 4 mars 1570, un arrêt de mort fut rendu à Bruxelles par le duc d’ Albe contre l’infortuné prisonnier. Le marquis de Berghes, mort trois ans auparavant en Espagne, où il avait été envoyé en même temps que Montigny, fut également condamné à la peine capitale : le but de cette condamnation posthume était d’opérer la confiscation des biens de celui qu’elle atteignait, expédient dont, au témoignage de Tacite, Tibère lui-même ne s’avisa qu’assez tardivement. Quant à Montigny, l’arrêt rendu par le duc d’Albe, « après avoir entendu, était-il dit dans le préambule, d’une part le procureur-général du roi en Flandre, de l’autre le fondé de pouvoirs de l’accusé, » déclarait ce dernier coupable des crimes de lèse-majesté et de rébellion comme complice et principal instrument de la ligue et conjuration du prince d’Orange, comme ayant favorisé et soutenu les gentilshommes confédérés dans l’affaire de la