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assuré. Son illusion dura peu. On vient de voir comment il s’exprimait le 13 avril 1568 ; moins de deux mois après, le 9 juin, c’était déjà sur un tout autre ton qu’il écrivait au roi. Il commençait par rappeler les instructions qu’il avait reçues et qu’il avait strictement exécutées. Cette récapitulation mérite d’être reproduite, parce qu’elle prouve que tous ses actes, dans ce qu’ils avaient de plus odieux, lui avaient été commandés par Philippe II. — Il avait ordre, dit-il, d’arrêter les principaux coupables pour les châtier exemplairement, aussi bien qu’un certain nombre de gens d’un rang inférieur de ceux qui s’étaient le plus compromis, de s’occuper ensuite des finances, et de se procurer de l’argent, de saisir les livres et les imprimeurs dans toute l’étendue des Pays-Bas, de visiter les boutiques des libraires, de régler les écoles, de publier et de faire observer les édits contre l’hérésie,… de procéder à la punition des villes, d’aviser aux peines qu’elles devaient subir et à l’emploi à faire de leurs revenus, après quoi il devait répandre le bruit d’un pardon général, mais ne pas l’accorder jusqu’à ce qu’on eût tiré de grosses sommes d’argent de certaines personnes par voie de composition ; enfin, avec l’amnistie devait arriver un légat pour réconcilier à l’église ceux qui voudraient revenir à elle, et, moyennant cette indispensable condition, appeler sur eux la clémence royale ; l’inquisition devait être rétablie comme par le passé. Le duc d’Albe, après avoir ainsi résumé ses instructions, osait exprimer l’opinion qu’il était nécessaire de les modifier sur un point : l’amnistie, à son avis, ne pouvait être différée sans de très graves dangers.


« En effet (disait-il), quoique ces gens-ci obéissent pour le moment aux ordres qu’on leur donne de la part de votre majesté, il est facile de voir que les dispositions intérieures sont fort différentes des apparences, et ce peuple a un caractère si facile, que j’espère que la clémence de votre majesté, se manifestant par un pardon général, gagnerait les esprits au point de rendre volontaire l’obéissance qu’ils n’accordent aujourd’hui qu’à contre-cœur. Sans doute, cela fera quelque tort pour ce qu’on espérait retirer des compositions ; mais, encore un coup, il est tout-à-fait impossible de n’en pas venir là, et même très promptement. Il faut que les sujets de votre majesté voient que la porte de la clémence commence à s’ouvrir ; il faut que les esprits, extraordinairement agités en ce moment, se calment enfin… La peur est si grande ici, et les exécutions qui ont eu lieu ont inspiré une telle terreur, qu’on semble croire que le gouvernement ne cessera jamais de verser le sang, et, tant que cette opinion durera, il est de toute impossibilité qu’on aime votre majesté. Il faut pourtant qu’à la crainte qu’on éprouve d’encourir son indignation se joigne l’amour que les habitans de ce pays ont toujours porté à leurs seigneurs… Le commerce commence à tomber parce que les étrangers n’osent rien confier aux gens du pays, pensant que chaque jour on peut confisquer leurs biens, et les habitans eux-mêmes n’ont pas plus de confiance les uns par rapport aux autres, le père à l’égard du fils, le frère envers le frère… Quant à la religion, ce n’est pas une matière dans