plus vive impulsion au système de terreur sous lequel tout pliait devant le redoutable lieutenant de Philippe II. Il faut voir, dans sa correspondance, avec quelle satisfaction, quelle sécurité, il parle de ses projets déjà à moitié accomplis, avec quelle audace impudente et cruelle, quel oubli de tout sentiment moral il en développe les ressorts, quel mépris il témoigne pour la légalité, pour les libertés et les privilèges du pays, pour ceux qui osent encore les défendre timidement, non pas à titre de droits, personne n’eût eu cette témérité, mais comme des préjugés enracinés que la prudence conseillait de respecter. Je vais essayer de traduire quelques passages de ces bizarres dépêches, bien qu’il soit impossible d’en rendre, même approximativement, le trait le plus caractéristique, ce langage soldatesque, proverbial, pittoresque, énergique, auquel on reconnaît l’homme de guerre et d’exécution.
Le 13 avril 1568, trois semaines après la mort des comtes d’Egmont et de Horn, voici ce que le duc d’Albe écrivait à Philippe II :
« On continue à arrêter les dévastateurs des églises, les ministres consistoriaux et ceux qui ont pris les armes contre V. M. Le jour des Cendres, on en a pris plus de cinq cents ; c’était le jour fixé pour qu’on les arrêtât partout. J’ai ordonné qu’on fît justice de tous ces gens-là, et il ne m’a pas suffi de renouveler cet ordre à deux ou trois reprises. On vient tous les jours me casser la tête en m’exposant des doutes sur la question de savoir si celui qui a commis tel délit mérite la mort, si pour tel autre délit on doit seulement être puni du bannissement ; enfin on ne me laisse pas respirer. J’ai donné l’ordre exprès de juger d’après les édits. J’ai des commissaires de tous côtés pour rechercher les coupables, mais ils font bien peu de besogne. Lorsque ce châtiment sera terminé, je commencerai à faire arrêter quelques particuliers des plus riches et en même temps des plus coupables, pour les amener à composition. Il serait impossible, en effet, de faire justice de tous ceux qui ont péché contre Dieu et contre V. M., car j’ai fait le calcul qu’entre les châtimens qui ont lieu en ce moment et ceux qui auront lieu après Pâques, cela monte à plus de huit cents têtes : en sorte qu’il me paraît que le moment est venu de frapper les autres dans leurs biens et d’en tirer tout l’argent possible avant la publication d’un pardon général. On n’admettra pas à ces compositions les hommes qui auront commis des délits qualifiés. Je procéderai en même temps contre les villes qui ont manqué à leur devoir. »
Tel était le système judiciaire du duc d’Albe. Son système financier, qu’il expose dans la même dépêche, n’est pas moins curieux. Il voulait obliger les Pays-Bas à concéder au roi un revenu perpétuel. Les conseillers auxquels il s’adressait, quoique fort peu disposés à le contrarier, lui représentaient que les états ne consentiraient jamais à se départir du droit de voter temporairement l’impôt, en d’autres termes, à transformer un gouvernement de liberté en un gouvernement absolu. Ces motifs devaient peu le toucher.
« Je leur ai dit (écrivait-il au roi) qu’un revenu non perpétuel entraîne