qu’il m’aurait écrit pour m’engager à faire couper une demi-douzaine de têtes afin d’assurer la tranquillité du pays, il est absolument faux qu’il m’ait jamais mandé rien de pareil, et je ne crois pas qu’il y ait seulement songé, bien que peut-être il ne fut pas mal de le faire. » Dans une autre lettre, exprimant sa satisfaction des mesures prises à Bruxelles pour mettre sur un bon pied les affaires de la religion et pour châtier les hérétiques, Philippe II excepte pourtant de cette approbation le conseil qu’on s’était hasardé à lui donner, de rendre moins rigoureuses les peines qu’on leur infligeait. « On m’a consulté, dit-il, sur le châtiment des anabaptistes qu’on avait arrêtés, et j’ai ordonné qu’on en fît justice. Ma volonté est qu’on traite de même tous les hérétiques qui viendront à être pris, de quelque qualité qu’ils soient, et qu’on n’use à cet égard ni de négligence ni de connivence, puisqu’on voit que la douceur et les délais qu’on y a apportés jusqu’à présent, loin d’avoir aucun bon résultat, ont fait beaucoup de mal. » Développant ensuite toute sa pensée sur ce sujet favori de ses préoccupations, le roi exprime son étonnement des obstacles que rencontre l’action de l’inquisition, devenue, selon lui, plus nécessaire que jamais. Il reproche à la gouvernante de trouver cette action trop sévère. Il soutient qu’alors même que les inquisiteurs se laisseraient entraîner un peu trop loin par leur zèle, il vaudrait mieux fermer les yeux que de discréditer l’institution, et qu’au lieu de les tourmenter pour des minuties, il faut les exciter et les encourager. « Il n’y a rien aujourd’hui, dit-il enfin à la duchesse de Parme, en quoi vous puissiez me faire plus de plaisir. »
On trouve dans des instructions officielles adressées à la gouvernante des Pays-Bas, peu de jours avant la dépêche dont j’ai extrait ce passage, quelque chose de plus significatif encore
« Sa majesté est franchement résolue à ne souffrir jamais aucun changement de religion dans ses états, fallût-il mourir pour l’empêcher ; elle recommande que l’on cherche de nouveaux moyens pour punir les hérétiques, non pas qu’elle entende qu’on cesse de les mettre à mort, cette pensée est bien éloignée de ses intentions, et elle ne croit pas qu’une telle indulgence fût agréable à la Divinité ni utile à la religion, mais elle veut qu’on leur ôte l’espèce de gloire qui paraît attachée à leur supplice, et pour laquelle ils affrontent la mort avec un fanatisme impie. »
Malgré toutes ces exhortations, en dépit de cette politique artificieuse et violente, les projets de Philippe II rencontraient une résistance de plus en plus vive. Peut-être, s’ils n’eussent été dirigés que contre la liberté, eussent-ils pu réussir ; mais s’attaquer à la fois aux institutions politiques et aux croyances religieuses d’un peuple, c’est une entreprise au-dessus des forces du pouvoir le plus énergique. Bientôt l’agitation descendit de la haute noblesse et du conseil d’état dans les rangs de la