les rôles d’Églantine et de Lysiart que le caractère germanique reprend ses droits. Églantine ! pâle et terrible évocation, Médée impitoyable opposée à la mélancolique, à l’aimable, à la toute Française Euryanthe ; Lysiart, ame félonne, représentant dans l’ordre héroïque cet esprit du mal que nous avons vu le Caspar du Freyschütz représenter dans la sphère populaire, moins le fantastique pourtant : que ferait le comte Lysiart des sortilèges d’un manant hérétique ? Pour se donner au diable, il faut y croire. À cette ame implacable et jalouse sa haine suffit, et, si par une nuit d’imprécations elle appelle la nature à son aide, ce n’est point à ses puissances secrètes qu’elle en veut, mais à la foudre, mais à la tempête, dont elle invoque la complicité dans son œuvre de perfidie et de ténèbres.
Nous venons de voir Weber s’élever du conte populaire au poème chevaleresque. Oberon va nous le montrer voyageant au gré de sa fantaisie à travers les campagnes du bleu. Oberon et Titania ! dès l’instant qu’on prononce ces noms si doux, il semble qu’un monde féerique vous apparaisse. Pour rendre tout ce que ce paysage a de diaphane, tout ce que cette vie élémentaire a de poétique et d’enchanté, quelle imagination sera donc jamais assez vaporeuse, assez éthérée ! Qui me peindra cette architecture dans les nuages, ces minarets de diamans, où trône le roi des génies une tige de lis à la main, et ce joli drame fantastique entrevu chaque fois que je me suis couché sur l’herbe par une belle nuit de mai, cette comédie aérienne de Puck et de Miranda, ces bruits de la rosée qui tombe en perles au calice des magnolias ; tout ce qui m’apparaît, tout ce que j’entends, tout ce que je sens dans cette ivresse mystérieuse où me plonge un clair de lune de printemps, dites, dites quel magicien après Shakespeare saura le reproduire ? Vous le demandez ! et Weber, l’auriez-vous par hasard oublié, ou bien serait-ce que vous n’avez jamais entendu son Oberon ? Alors je vous plains, car vous ignorez une des merveilles de l’esprit humain, le Songe d’une nuit d’Été en musique, la fantaisie en son véritable élément, la verve humoristique d’un grand maître se donnant cours en mille arabesques mélodieuses, moitié fleurs et moitié oiseaux, en toute sorte de rhythmes enchantés, dont je voudrais comparer les uns à des sylphes diaphanes, à de pâles et doux rayons de lune voltigeant autour d’un massif de lis embaumés ou se jouant dans les vives transparences d’un lac, tandis que les autres, rappelant davantage l’Orient passionné ou symbolique, me font songer à ces touffes luxuriantes de roses et de lotus, où se cachent le bulbul persan et le cygne sacré des bords du Gange.
Pourquoi faut-il qu’à ce doux rêve de printemps, tout azur et lumière, une idée de mort se mêle, et qu’autour du riant élysée flotte comme un crêpe lugubre le souvenir du séjour à Londres ? On sait quelles douloureuses circonstances accompagnèrent la mise à la scène