ici de l’Allemagne seulement, mais encore de la France et de l’Italie, sur lesquelles devait bientôt s’étendre le mouvement régénérateur.
L’orchestre moderne, personne, je pense, ne le contestera, est l’œuvre authentique et manifeste de Joseph Haydn ; le premier entre tous, l’auteur de la Création et des Sept paroles a donné à la musique instrumentale cette existence individuelle que nous lui connaissons désormais, et peut-être la génération nouvelle, en proie aux enivrantes fascinations de Beethoven, a-t-elle trop tôt oublié le culte d’un des génies les plus éminemment féconds dont s’honore l’histoire des beaux-arts. Oublié n’est pas le mot, des maîtres tels que lui ne s’oublient point, mais on affecte à son égard cette espèce d’admiration révérencieuse qu’on a pour un portrait de famille. Beethoven et Weber, Mozart aussi, quoique plus d’un le déclare vieillot et fort enclin au radotage, vivent encore de notre vie commune ; mais, quant à lui, nous l’avons relégué dans le musée aux antiques, et si, au sortir d’une séance du Conservatoire, où quelque symphonie du chantre des Saisons vient d’être exécutée, il vous arrive d’aborder les illuminés du sanctuaire, on vous parlera de la perruque du bonhomme, de sa canne à pomme d’ivoire et des boucles d’or de ses souliers. Singulière préoccupation du type qui circule ! Les œuvres de Haydn respirent en effet certaines graces bucoliques et par trop décentes, une régularité, une symétrie de composition auxquelles par momens l’épithète de rococo ne messied pas. De là cette physionomie de vieillard méthodique et bénévole qu’on prête au grand artiste. Passe donc pour le type ayant cours, et laissons au La Fontaine musical son innocent sourire, ses culottes de soie et sa tabatière ornée d’un fin émail, pourvu qu’on veuille nous accorder que, sous les ombrages où sa promenade se dirige, l’ame du vieux maître s’ouvre à toutes ces voix de la nature, à ces mille bruits de la création dont va se pénétrer la symphonie. Je le répète, Haydn a créé l’orchestre, aucun maître avant lui n’avait eu l’inspiration d’employer les ressources instrumentales selon leurs divers caractères de sonorité. Les instrumens sont faits pour idéaliser les bruits de la nature. De ce principe, que l’auteur de la Création conserve la gloire d’avoir appliqué le premier, est sortie toute la musique instrumentale moderne. Jusque-là l’école rationaliste ne s’était préoccupée que de l’harmonie des sons ; de Joseph Haydn date l’harmonie des bruits, cette langue vivante et sublime qu’ont parlée depuis en l’agrandissant Mozart et Beethoven, Weber, Méhul et Meyerbeer. Impossible, a-t-on dit, d’entendre une composition de Joseph Haydn, sans que l’idée vous vienne à l’instant d’un poème analogue. Le sentiment pittoresque est révélé. Plus tard, le chantre des symphonies et le chantre du Freyschütz porteront à sa suprême manifestation l’union de la musique et de la poésie, et le romantisme aura son tour ; en attendant, poème et tableau tout ensemble, voici une œuvre symphonique