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la philosophie positive.

pure, sans parler du Discours de la Méthode et des Méditations, ces livres saints de la philosophie où sont écrits, sous la dictée de la conscience réfléchie, les droits de l’esprit humain et les premiers principes de toutes les sciences ? On dira que tout n’est pas solide dans ces monumens, et qu’ils sont loin d’être bâtis sur le même plan et avec les mêmes matériaux. J’en conviens ; mais qu’on cite, sauf peut-être en géométrie pure, un seul grand ouvrage que le temps et la contradiction des hommes n’aient point effleuré. On n’en nommera pas un seul. Les Harmonica mundi de Keppler sont pleins de conjectures que la science a démenties ; la Dioptrique de Descartes et l’Optique même de Newton sont restées bien en-deçà des progrès de la physique. La chimie de Lavoisier est-elle identique à celle de Berzélius ? Le livre De la Vie et de la Mort fait époque en physiologie ; Bichat l’écrivait il y a trente ans à peine : est-il aujourd’hui debout ?

En rappelant les grands monumens de la science psychologique depuis Socrate jusqu’à Descartes et depuis Descartes jusqu’à Kant, je n’ai parlé que des ouvrages réguliers ; mais que de délicate et profonde psychologie répandue dans tous ces chefs-d’œuvre littéraires dont on eût fort embarrassé les immortels auteurs en leur adressant sur les circonvolutions du cerveau des questions que le plus sot écolier résout couramment après quelques mois d’études ! Quelle incomparable analyse du cœur humain que les Confessions de saint Augustin ! Je ne sais si Gerson était un grand anatomiste, mais j’en apprends plus sur la nature humaine en relisant l’Imitation de Jésus-Christ qu’en consultant les plus beaux traités de physiologie. Saint François de Sales, Montaigne, Jean-Jacques Rousseau, ne sont-ils pas aussi à leur manière d’éminens psychologues ? C’est que la psychologie n’est pas une étude à l’usage de quelques méditatifs ; c’est la conscience de la vie. Quiconque vit, non de cette vie grossière des sens qui se termine aux objets matériels ou de cette vie superficielle qui se dépense au jour la journée, qui se répand tout entière au dehors et s’épanche sans cesse comme une eau toujours fuyante en un vase sans fond, mais d’une vie puissante et pleine, qui se fortifie, s’étend et s’accroît sans cesse par le progrès des idées et des sentimens, les leçons de l’expérience, les épanchemens sympathiques de l’amour et de l’amitié, quiconque vit de la sorte, qu’il médite en solitaire comme Malebranche ou à la cour comme La Bruyère et La Rochefoucauld, qu’il fasse de la psychologie en action comme Shakespeare et Molière, ou qu’il la mette en formules comme Kant, qu’il compose la Critique de la Raison pure ou le Faust, poète ou métaphysicien, prêtre ou laïque, philosophe de fait ou d’intention, il travaille au progrès de la science psychologique ; il trace un chapitre, une page ou au moins quelques lignes de ce livre immortel que l’homme écrit sur l’homme, et qui a