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thode était absolument nouvelle, qu’elle faisait table rase en philosophie, et allait produire les résultats les plus inattendus ; comme Reid, il enseigna que les faits psychologiques, soumis à la même méthode que les faits physiques, composent un monde entièrement séparé et indépendant. Telles furent les idées que M. Royer Collard emprunta à Reid et à Dugald-Stewart, et qui trouvèrent un interprète d’une lucidité merveilleuse et d’une grace persuasive dans M. Jouffroy. Un morceau, éminent par le style, la préface aux Esquisses de D. Stewart, fut pour la méthode psychologique, une sorte de manifeste qui en rendit populaires et le nom et les principes. Par malheur, nulle part on n’a plus exagéré les idées écossaises, je veux dire la séparation de la psychologie et de la physiologie, l’identité des méthodes dans la différence des faits, et surtout cette fausse idée que toute la philosophie est à refaire ; M. Jouffroy allait jusqu’à dire que la question de la spiritualité de l’ame était prématurée, scrupule excessif, dont des adversaires sans loyauté et sans pudeur ont cruellement abusé dans ces derniers temps, mais qui marque fortement le dernier terme où peut conduire l’exagération de la psychologie écossaise.

Convenons-en loyalement : si l’école écossaise a l’honneur d’avoir proclamé avec force la méthode psychologique, si elle en a fait un utile emploi contre le sensualisme de Locke et le scepticisme de Hume, elle s’est souvent trompée sur la nature et la portée de cette méthode. Elle a mal connu la vraie différence qui sépare les faits de conscience et les faits physiologiques, et, par une suite naturelle, elle a exagéré tout ensemble l’identité des méthodes et la séparation des faits. Enfin elle s’est trompée sur le passé et sur l’avenir de la méthode psychologique ; elle a crû faussement que le passé l’avait ignorée ; elle a conçu pour l’avenir des espérances exagérées.

Pendant que M. Royer Collard introduisait en France l’esprit écossais avec ses grandes parties et aussi avec ses erreurs et ses illusions, un philosophe français, qui n’a rien dû à aucune influence étrangère, génie peu étendu peut-être, mais d’une force et d’une sagacité admirables, Maine de Biran, retrouvait à la fois dans la tradition cartésienne et dans une réflexion profonde la vraie racine de la psychologie, et établissait sur des bases désormais immuables la distinction et l’union des sciences physiques et des sciences morales.

Sans être un érudit, Maine de Biran savait bien qu’il n’avait pas inventé la psychologie. Il se plaisait à protéger ses idées les plus originales de l’autorité de Leibnitz, et, remontant de Leibnitz à Descartes, il signalait dans le cogito, ergo sum, la source de la psychologie moderne. Nul doute que, si ses recherches historiques eussent été plus étendues, il n’eût aimé à ressaisir dans les Dialogues de Platon et jusque