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la philosophie positive.

Il appartenait à Aristote d’arrêter cette dissolution ; il était digne de cette tête vaste et puissante d’entreprendre pour la première fois l’organisation des sciences, de les embrasser toutes sans jamais les confondre, de les diviser sans les désunir, surtout de n’en sacrifier aucune, et de comprendre à la fois la riche diversité et l’unité harmonieuse de l’esprit humain et des choses.

La classification d’Aristote doit compter parmi ses titres de gloire ; je n’en veux signaler ici qu’un seul trait, et M. Comte me comprendra. Aristote est avant tout un incomparable observateur de la nature ; c’est le génie même de l’expérience. Sans être très profond en mathématiques il avait su lire ces paroles sur la porte de l’école de Platon : Nul n’entre ici qui n’est géomètre. Mais ces grands esprits, en comprenant la valeur des mathématiques, savaient aussi qu’elles ne sont pas le dernier terme de l’esprit humain. L’auteur de l’Histoire des Animaux proclame, comme celui du Timée, la nécessité et la supériorité de la philosophie première. Les mathématiques sont au-dessus de la physique, science des choses mobiles, à cause de l’immobilité de leur objet ; mais au-dessus de la physique et des mathématiques Aristote place la philosophie première, science éminente, qui contemple, comme les mathématiques, l’immobile et l’éternel, et, comme la physique, l’être réel et vivant : non plus une immobilité abstraite ou une réalité variable, mais le principe à la fois le plus immuable et le plus réel, éternel et vivant, idéal de la nature et de l’esprit humain, unité suprême, en un mot Dieu.

Il semble qu’Aristote eût transmis, quelque chose de son génie organisateur au maître de la philosophie du moyen-âge, à saint Thomas. Pour l’ange de l’école, la science de Dieu ne pouvait être que la première de toutes et la plus importante ; mais qu’on n’aille pas croire que la Somme ne soit qu’un traité de théologie : c’est à la lettre un système complet des connaissances humaines, une sorte d’encyclopédie à l’usage du XIIIe siècle ; la physique y tient son rang, et avec elle une sorte de géologie grossière et naïve. La Somme est l’ouvrage d’un grand esprit organisant les sciences au sein d’un siècle barbare, sous l’inspiration d’un spiritualisme sublime.

La science de la nature, mal connue, mais non rejetée par saint Thomas, reprend ses droits légitimes au xvie et au XVIIe siècle. Bacon vient convier les hommes à l’exploration et à la conquête de l’univers physique, et à son tour il essaie d’organiser le travail de l’esprit humain. C’est ici qu’éclate la supériorité d’esprit du philosophe anglais. Bacon n’a pas seulement le goût de la physique, il en a l’enthousiasme, je dirai presque le fanatisme ; il s’appelle lui-même le pontife des sens ; la prise de possession de la nature par l’homme lui apparaît comme une entreprise sainte, comme une sorte de rédemption nouvelle dont la science sera le Messie. Aussi le nom de Bacon a-t-il été surtout glorifié par les