antiques préjugés, et l’on vint dire aux hommes que croire en Dieu et en l’ame immortelle, c’était une puérilité et une faiblesse.
Il faut dater de ce moment cette réaction énergique qui, d’abord contenue en de certaines limites, s’est peu à peu animée par ses progrès, et qui aujourd’hui se fait sentir à toute l’Europe, occupe les hommes d’état et alarme tous les esprits prévoyans. Pour nous, il nous semble qu’il y a un grand enseignement à tirer de ce spectacle, qui nous attriste sans nous ébranler c’est que le vrai rempart de la liberté de la pensée, ce n’est pas une philosophie étroite qui nie des besoins qu’elle ne peut satisfaire, des idées et des sentimens qu’elle est incapable d’expliquer ; c’est une philosophie plus pure et plus haute, ample comme l’esprit de l’homme, profonde comme son cœur, qui recueille toute idée vraie, alimente tout noble désir, explique toute croyance sainte, et ne laisse à ses adversaires que leurs violences et leurs folies.
Voilà la barrière qu’il faut opposer aux entreprises d’un parti que nos fautes seules pourraient rendre invincible. Une expérience récente doit ici nous servir de règle. À une époque dont le souvenir est sans doute importun à certaines consciences, on vit se déployer ces mêmes espérances et ces mêmes desseins qui renaissent aujourd’hui avec un redoublement d’ardeur. Pour les combattre, de fermes esprits élevèrent le drapeau d’une philosophie généreuse, qui puisait sa force dans sa pureté, et qui a dû son triomphe à sa haute modération. Ce glorieux drapeau, un instant abattu et humilié, les hommes de la génération nouvelle doivent le ressaisir et le défendre.
Le matérialisme ne s’est pas éteint en France avec le XVIIIe siècle. Vaincu sur le terrain de la métaphysique, il a trouvé un asile dans les sciences. Depuis ces cinquante dernières années, il n’a jamais manqué d’interprètes célèbres, d’habiles et zélés défenseurs. Cabanis mort, Gall donne à sa doctrine une forme nouvelle et une sorte de popularité. Au moment où la cause de la phrénologie paraît désespérée, Broussais entreprend de la ranimer. MM. Comte et Littré s’honorent d’être les héritiers de Broussais, de Gall, de Cabanis, et par eux de cette philosophie du XVIIIe siècle qui a fait de si grandes choses. Apportent-ils à la pensée contemporaine un principe nouveau ? Oui, à ce qu’ils croient, et cette idée nouvelle, c’est l’organisation des sciences.
L’ambition de la philosophie positive est grande : elle n’aspire à rien moins qu’à organiser d’une manière complète et définitive le travail de l’esprit humain. Circonscrire le domaine de la pensée en ses limites naturelles, tracer les grandes routes où elle est appelée à se mouvoir et les