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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 juin 1846.


Les élections générales se préparent et se feront dans un des momens les plus tranquilles dont la France ait joui depuis long-temps. Les passions sommeillent, les intérêts seuls se donnent carrière. Nous n’avons pas encore acquis cette habitude de la liberté qui permet aux Anglais, aux Américains, de mener de front les plus grandes affaires industrielles avec des préoccupations politiques sérieuses ou même ardentes. Jusqu’à présent, nous ne savons encore faire qu’une chose à la fois, et nous ne connaissons pas de milieu entre l’effervescence et l’apathie politique. En ce moment, chacun est à ses affaires, et il n’y a dans l’air ni passion, ni théories qui puissent distraire les esprits ou les enflammer. Si d’ici à un mois il n’arrive rien de nouveau en France, l’influence la plus puissante qui dominera dans les élections sera celle des considérations particulières et des intérêts locaux.

Cela est plus vrai qu’une prétendue division du pays en deux grands partis prêts à se combattre avec acharnement. Il y a plusieurs semaines, le ministère soutenait encore à la tribune, et faisait répéter dans la presse, qu’il y avait en face l’une de l’autre une majorité et une opposition également systématiques. Pas de nuances, pas d’opinions tempérées, pas de situations intermédiaires. Cette manière de voir est expéditive, mais elle est plutôt un argument de polémique, un moyen de stratégie parlementaire, une arme de combat, qu’un jugement vrai sur les hommes et les choses. Elle a aussi l’inconvénient de nous ramener de dix ans en arrière, et de supprimer les modifications, les différences que nous devons à la marche du temps. Depuis dix ans, tous les mouvemens, tous les changemens politiques qui se sont produits dans la sphère du pouvoir et des chambres ont eu précisément pour cause la décomposition tant de l’ancienne majorité que de l’opposition ardente qui s’était formée dans les premières années de 1830. Depuis dix ans, on a vu poindre, puis se développer, des opinions intermédiaires qui ont travaillé à conquérir une influence utile. Sans même chercher