buste placé dans le musée du Capitole, et s’accorde très bien avec l’idée qu’on peut se former du poète romain par la lecture de ses ouvrages. Il y a dans son visage un mélange de grace et de sévérité qui reproduit clairement le caractère de son génie. Le groupe des poètes à qui Virgile présente l’amant de Béatrix n’est pas conçu avec moins de bonheur. Le visage d’Homère respire une majesté divine. Peut-être serait-il permis de souhaiter, dans la draperie de ce personnage, un peu plus de fermeté ; mais il est impossible de ne pas contempler avec plaisir son regard rayonnant et sa bouche frémissante. Horace, désigné par Dante sous le nom de satirique, a été reproduit par M. Delacroix selon la pensée de la Divine Comédie. Les satires et les épîtres d’Horace sont en effet la partie la plus originale de son génie, et le peintre a bien fait d’accepter le jugement prononcé par le poète. Ovide et Lucain sont nommés dans la Divine Comédie sans aucune qualification spéciale. Le peintre avait donc toute liberté pour caractériser, selon sa pensée, la physionomie de ces deux personnages. En interprétant les portraits consacrés par la tradition d’après les renseignemens que nous possédons sur la vie d’Ovide et de Lucain, il a su créer deux types empreints d’une véritable individualité, qui n’ont rien de vulgaire, rien d’emphatique, et qui soutiennent dignement la comparaison avec l’Homère et l’Horace dont nous venons de parler. Il y a sur ces quatre visages une curiosité sérieuse dont l’expression varie selon les types qui personnifient l’épopée grecque, la satire, la poésie politique, et l’élégie voluptueuse des Romains.
Le groupe des philosophes placé derrière le groupe des poètes ne fait pas moins d’honneur à l’imagination et au talent de M. Delacroix. Socrate, Platon, Aristote, sont nettement caractérisés, et leur attitude, aussi bien que leur visage, exprime clairement la région qu’habite leur pensée. La grace un peu efféminée de l’auteur du Phédon, la sévérité dogmatique du créateur de la logique, la bonhomie railleuse de Socrate ; toutes ces qualités si diverses ont été indiquées par M. Delacroix avec une précision que je ne me lasse pas d’admirer.
Achille, Alexandre, Alcibiade, Aspasie, méritent les mêmes éloges. Dans ces figures, comme dans les précédentes, l’auteur a trouvé le secret d’être jeune sans mentir à la tradition. Homère appelait Achille, comme Aristote appelait Alexandre, comme Socrate appelait Alcibiade et Aspasie. Nous aurions donc mauvaise grace à chicaner M. Delacroix sur la tolérance et la générosité qu’il a cru devoir montrer. Les types d’Achille et d’Alexandre ont été si souvent traités par la peinture impériale, qu’il y avait quelque témérité à essayer de les rajeunir ; mais le succès absout les plus hardies tentatives, et M. Delacroix a réussi. Son Achille et son Alexandre n’ont rien d’académique. Leur physionomie mâle et sévère respire l’héroïsme et le courage, sans avoir rien de commun