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victorieux, assujettissant à la volonté les appétits irascibles et concupiscibles qui la troublent et l’amollissent, produire cette paix intérieure et cette parfaite tranquillité, en quoy toutes les opinions conviennent que consiste le souverain bien. » - Il était difficile de se retrouver dans le labyrinthe de ces symboles ; Chapelain se fourvoya complètement, mais on lui doit du moins cette justice, qu’il a parfaitement compris le caractère de son héroïne. Il la maintient toujours dans les plus hautes sphères de la pureté chrétienne ; il lui prête partout de fort beaux sentimens, et il la montre ce qu’elle fut dans sa vie, humble et fière tout à la fois, reportant à Dieu la meilleure part de ses succès, calme et forte dans la victoire, résignée dans les jours difficiles. C’est grace sans doute à ce point de vue élevé que Chapelain garda quelques admirateurs au milieu du dédain général. Huet, Ménage, Segrais, Fléchier, lui donnaient de grands éloges ; l’abbé Prévost le préférait à Boileau, et Boileau lui-même ne s’était peut-être montré aussi sévère que parce qu’il enviait quelques vers éclatans que sa muse froide et correcte aurait difficilement trouvés, même après les avoir cherchés long-temps aux détours des allées d’Auteuil.

Entre la Pucelle de Chapelain et la Pucelle de Voltaire, nous rencontrons l’Amazone française du père Lejeune, chanoine régulier d’Orléans, et la France délivrée du vaudevilliste Favart, qui remporta, en 1734, le grand prix des Jeux floraux. Malgré le suffrage d’un évêque et la couronne académique, on passe avec indifférence devant ces œuvres oubliées, en excusant par la bonne intention l’impuissance des auteurs ; mais, quand on arrive au poème de Voltaire, on se détourne avec tristesse de cette débauche de génie que les plus fervens admirateurs de ce grand homme eux-mêmes, et nous sommes du nombre, osent à peine nommer par pitié pour sa mémoire. Aucun livre peut-être, dans le XVIIIe siècle, n’a excité plus d’enthousiasme et de colère, et depuis tantôt cent ans il a été attaqué, au nom de la chevalerie, au nom de l’église, au nom de la monarchie, au nom du patriotisme, de la morale et de l’histoire, avec toute la passion qu’on apporte aux choses contemporaines. Ces attaques, toutes également vives, sont-elles toutes également fondées ?

N’en déplaise aux admirateurs passionnés du passé, Voltaire est dans la véritable tradition historique quand il peint avec une verve effrontée la licence grossière des chevaliers du XVe siècle, la brutalité des moines. Qu’on étudie en effet les contes du moyen-âge, c’est le même cynisme, la même crédulité ; et, quand de la société laïque on remonte jusqu’à la société spirituelle, les canons des conciles, les statuts synodaux, les protestations des hommes les plus éminens de l’église, les sermons des prédicateurs populaires, sont là pour témoigner que le déprit de la tradition sainte s’était singulièrement altéré entre les mains des hommes. Cette dégradation ne pouvait échapper à Voltaire ; mais par malheur, dans le monde du moyen-âge, il ne voit que Satan : il rend le christianisme responsable des crimes de la barbarie, et, perdu dans une éternelle équivoque, il confond l’enthousiasme avec la folie, la théologie avec l’Évangile, les docteurs de Sorbonne avec les martyrs, Jeanne avec les femmes sans nom. Par la nation de la grandeur morale, il calomnie l’humanité tout entière ; il calomnie sa propre inspiration dans des œuvres plus heureuses en donnant à ses ennemis le droit de demander si les beaux sentimens de Tancrède et de Zaïre ne sont pas des mensonges, et, pour payer les ovations qu’il avait reçues de l’Angleterre,