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nous. L’un des plus jeunes et des plus savans disciples de cette école de l’érudition française qui compte tant de noms respectés, M. Jules Quicherat, a réuni dans trois volumes, qui seront précédés d’une introduction générale, tous les documens authentiques qui se rapportent à l’histoire de Jeanne d’Arc, c’est-à-dire les textes des procès de condamnation et de réhabilitation, les enquêtes faites à Orléans, à Paris et à Rouen, les dépositions de Jean Daulon, maître d’hôtel de la Pucelle, divers mémoires extra judiciaires, les résumés des conclusions de l’assemblée de Poitiers sur le caractère divin de la mission de Jeanne, le traité de Jacques Gelu, archevêque d’Embrun, les propositions de maître Henri de Gorcum, et la dissertation allemande De Sybilla Francica, dont nous avons parlé plus haut. Ce travail important, ainsi que la chronique de Perceval de Caigny, dont on doit la découverte à M. Quicherat, a sa place marquée au premier rang des publications historiques de nos jours.

Ainsi, après quatre siècles d’incertitudes, de calomnies, d’exagérations, l’histoire tient enfin pour Jeanne d’impartiales assises. De toutes les grandes figures du passé, il n’en est pas une seule que la critique contemporaine ait éclairée d’une plus vive lumière, et dans aucun autre épisode de nos annales les progrès de cette critique ne sont plus saisissans. L’héroïne est sortie sainte et pure de cette enquête solennelle ; personne aujourd’hui n’oserait soupçonner sa sincérité, rabaisser sa grandeur, et son existence, dégagée du merveilleux, est encore un prodige. Félicitons donc les historiens modernes de l’avoir comprise et réhabilitée contre tous les doutes et tous les outrages. C’est là tout à la fois une œuvre de conscience, de savoir et de patriotisme, car dans cet affaissement des croyances il est beau de montrer que la religion du pays peut toujours enfanter des miracles. Les grandes espérances, dans la vie des peuples, naissent des grands souvenirs.

Nous venons de suivre les phases diverses que la mémoire de Jeanne a traversées dans l’histoire ; nous allons chercher maintenant quelles épreuves lui réservait la poésie.


IV.

Parmi les sujets empruntés à nos souvenirs nationaux, il n’en est aucun qui ait attiré plus fortement les rimeurs. Rien n’y manque, tableaux de la vie champêtre et de la vie guerrière, songes, visions, apparitions des saints et des anges, cérémonies royales, appareil solennel de fêtes et de supplices. Tout est disposé pour le mouvement et l’éclat. C’est tout à la fois une idylle, une élégie, une tragédie, un mystère chrétien. L’idée du sacrifice et de l’expiation y domine, la fatalité dans la tragédie antique ; la destinée du héros est intimement liée à la destinée du peuple français, et la vierge martyre combat pour le salut du royaume, comme Hector pour retarder le jour suprême d’Ilion. La poésie, cependant, est si grande dans la réalité des faits, qu’on se demande, dès l’abord, ce que la fiction peut ajouter à l’histoire, et il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur les essais tentés depuis quatre siècles pour se convaincre que prétendre embellir un tel sujet, c’est le profaner. Dans cette revue rapide, à côté de noms obscurs et justement oubliés, nous rencontrerons des noms illustres devant lesquels on s’incline ; mais, parmi les plus grands eux-mêmes, les