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de l’arrêt barbare des théologiens de Rouen. La critique historique moderne, en écartant ce nuage fatidique dont l’avait entourée la crédulité de nos vieux historiens, nous l’a montrée plus grande et plus sainte encore. L’Allemagne et l’Angleterre ont apporté au pied de sa statue le tribut de leur poésie. La muse française a tenté tout récemment encore de la réhabiliter contre Voltaire. L’érudition exhume des textes, l’histoire juge, la poésie chante, la pitié trouve toujours des larmes. Aucun autre épisode de notre histoire n’a été plus souvent étudié, plus diversement apprécié, sous l’impression toujours changeante des idées philosophiques ou religieuses et des passions politiques. Il y a donc un intérêt réel, nous le pensons, à rechercher rapidement, depuis le XVe siècle jusqu’à notre époque, ce que l’histoire a fait pour rétablir dans leur véritable jour les événemens de la vie de Jeanne d’Arc, ce que la poésie a fait pour les chanter ; mais, afin de mieux comprendre et de juger plus sûrement la double tradition de la poésie et de l’histoire, nous croyons devoir rappeler rapidement la vie de l’héroïne, en la replaçant au milieu des croyances de son temps et en rectifiant, à l’aide des derniers documens qui ont été publiés, des points obscurs ou inconnus.


II.

Jeanne, on le sait, naquit vers 1410, d’une famille dévouée au roi de France, et, dès ses premières années, elle apprit à détester les Anglais et leurs alliés. Les ravages de la guerre s’étaient étendus jusqu’au lieu de sa naissance. Elle avait vu souvent les enfans armagnacs de son village revenir tout meurtris des combats qu’ils soutenaient contre les enfans bourguignons des villages voisins, L’enthousiasme patriotique s’éveilla dans son ame en même temps que la piété, et, lorsqu’elle s’annonça comme appelée par le ciel à la délivrance du pays, elle trouva en quelque sorte la scène du monde disposée pour son rôle. Déjà, en 1393, dans les conférences ouvertes à Lélinghen entre les ducs de Bourgogne et de Berry et les négociateurs anglais, un pèlerin de Jérusalem, Robert-l’Ermite, s’était rendu auprès de Charles VI pour lui annoncer qu’il avait vu dans une tempête un fantôme resplendissant de lumière, et que ce fantôme lui avait dit - Tu échapperas au naufrage, mais à la condition d’aller trouver le roi de France et de le presser de signer la paix ; parle avec assurance, on t’écoutera, et ceux qui voudront continuer la guerre seront rigoureusement punis. — Robert, qui croyait à la réalité de sa mission, se rendit auprès du roi, et là, comme Jeanne d’Arc dans l’entrevue de Chinon, il ne fut de rien effrayé ni ébahi. Quand Vincent Férier annonçait, en 1407, qu’il avait entendu les anges sonner aux quatre coins de l’univers les trompettes du jugement, le peuple qui l’écoutait croyait voir dans les nuées saint Dominique et saint François qui descendaient du ciel pour assister au sermon. Marie d’Avignon, quelques années avant Jeanne d’Arc, était allée trouver Charles VII pour lui confier qu’elle avait vu des armes en songe, et que ces armes étaient destinées à une jeune fille qui sauverait la France. On rappelait, on inventait peut-être des prophéties de Merlin annonçant qu’une vierge venue du Bois Chenu, — et ce bois était voisin du pays de Jeanne, — chevaucherait sur le corps des guerriers armés de l’arc, c’est-à-dire des Anglais, ces redoutables archers qui se vantaient de tirer à coups