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que chrétien, il pardonnerait plus volontiers à Odin qu’à Luther, et parle du réformateur en termes qu’il serait curieux de comparer au portrait qu’en a tracé Bossuet. Le nom jusqu’ici respecté de Gustave Wasa est livré au ridicule ; enfin le tout se termine par une pompeuse apologie de l’ordre de Jésus. Cependant on se demande quel est ce poète Nicander, auteur du Glaive runique, quel est le vrai sens de son œuvre, quel a été son rôle dans le développement de la moderne poésie scandinave ? À ces questions, M Le Duc répond par quelques détails biographiques fort insuffisans. Les notes qu’il a rejetées à la fin du volume sont, par leur prolixité et le peu d’ordre qui y règne, une preuve nouvelle de la précipitation qu’il a apportée à son travail. Il est fâcheux d’avoir à relever l’inexpérience de l’éditeur, quand on voudrait applaudir à ces échanges littéraires entre les peuples. Telle œuvre qu’il faudrait se garder d’imiter mérite cependant d’être connue : si elle n’est pas belle absolument, elle est toujours vraie par quelque endroit, elle représente au moins le goût de la nation qui l’a adoptée. Ce n’est pas que le Glaive runique apporte un élément nouveau dans la théorie de l’art, l’action se développe à la façon des grands drames historiques de Shakespeare Cette liberté tient a la nature même des littératures romantiques, mais, sous d’autres rapports, l’auteur ne s’est pas interdit toute imitation, quelquefois même il n’a pas craint de s’adresser à notre scène française. La partie la plus originale du drame est la peinture du fanatisme scandinave si peu semblable au paganisme élégant de la Grèce et de Rome ; il a pour représentant un vieux guerrier du nom d’Oldur. Dans son horreur farouche pour les nouveautés, Oldur jure d’immoler le premier de sa race qui abjurera le culte des ancêtres. Cependant il se défie se ses forces, qui l’on déjà trahi ; il a, comme le Cid, une injure à venger, et, de plus, la foi à défendre. C’est son fils qui sera l’instrument de sa haine. Alrik répète le serment que lui dicte son père, et prend son glaive runique à témoin de l’exécution de ses promesses ; mais la fiancée d’Alrik, Hulda, a déjà ouvert son cœur à la fois chrétienne, elle part et va en pèlerinage à Jérusalem. Les derniers adieux et peut-être aussi le souvenir du serment imprudemment fait a son père poursuivent Alrik et achèvent ce qu’avaient commencé les vagues inquiétudes de son esprit. Quand à l’assemblée générale du peuple, la religion de la Suède est remise aux hasards d’un combat singulier, il entre en lice comme champion du Christ. Proclamé vainqueur, il tombe lui-même frappé mortellement par le glaive runique qu’il avait fait garant de son serment, et que lui avait dérobé son adversaire. Toutes ces scènes sont écrites avec un sentiment élevé ; on sent que la religion de Nicander est supérieure à l’esprit de parti. Les fictions de la mythologie scandinave forment un heureux contraste avec les images plus douces de la religion chrétienne. L’absence, de toute contrainte a permis au poète de reproduire quelque chose du grand mouvement qui dut accompagner une pareille révolution. En résumé, cette publication, même incomplète et défectueuse, fait désirer que l’attention d’une critique sérieuse et bien informée se porte sur la littérature scandinave.


— LETTRES DE JEAN HUS, écrites durant son exil et dans sa prison, traduites du latin en français par M. Émile de Bonnechose[1]. — Ce fut en 1537 à

  1. Un vol. in-8o, chez Delay.