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et de repos. Pendant que les filles de Ferdinand VII grandissaient, l’Espagne a été en proie à bien des agitations stériles, elle a vu bien des partis lui promettre la liberté, le bonheur, et n’aboutir qu’à une anarchique impuissante. Elle a eu aussi ses désenchantemens elle a fait ses expériences. Il s’organise lentement dans son sein une majorité qui veut la paix et une sage pratique du gouvernement constitutionnel. Des partis qui existent encore dans la Péninsule, celui que blessent le plus les deux mariages, de la reine et de sa sœur, c’et le parti carliste : par là il voit ses dernières espérances entièrement ruinées. On ne conçoit pas que ce parti n’ait pas fait les avances, les concessions, le conduire à une transaction, sa dernière chance de salut. Sans doute des difficultés peut-être invincibles s’opposaient à l’union de la reine Isabelle avec le fils aîné de don Carlos mais au moins, si le frère de Ferdinand VII et son parti eussent paru reconnaître que c’était pour eux le seul moyen de ne pas tout perdre, si l’on eût pu croire qu’ils comprenaient enfin les nécessités de leur situation et celles de l’époque, ils eussent un peu relevé leur cause et leur caractère aux yeux de l’Europe, et l’estime qu’ils eussent méritée eût pu les sauver. Mais non : le parti carliste espagnol s’est montré, dans toutes les circonstances, stationnaire, égoïste, stérile. À l’heure qu’il est, l’avenir lui échappe irrévocablement, et il est obligé de s’avouer son impuissance à tenter quelque chose de sérieux. En Navarre, en Biscaye, on n’enrôlerait pas un homme pour la cause du comte de Montemolin. Ce qui reste du parti carliste n’a plus d’autre ressource que de marcher à la suite du parti progressiste, et de se confondre avec lui dans les démonstrations qui pourraient être hasardées.

Le parti progressiste a une autre importance : il représente des sentimens qui peuvent être excessifs, mais qui du moins sont sincères ; il représente des passions qui ne sont jamais plus vives que chez un peuple nouveau dans la vie politique, le désir, d’aller vite et loin dans la carrière de la liberté, et de toucher le but du premier coup. Le parti progressiste a fait des fautes, et il a eu ses revers. Néanmoins, quoiqu’il soit en minorité dans les cortès qui s’assemblent en ce moment, il sera intéressant de voir l’attitude qu’il prendra dans les débats sur les deux mariages. Il nous semble que si les chefs, ses orateurs, sont habiles, ils ne se compromettront pas par une opposition sans motif au mariage de M. le duc de Montpensier avec l’infante dona Luisa. Quelle répugnance légitime le parti progressiste peut-il avoir contre une alliance qui resserre les liens et cimente la paix entre la France et l’Espagne ? Quand M. Olozaga, chef des progressistes, avait le pouvoir, il ne mit pas sa politique à s’éloigner de la France. Nous l’avons vu, au moment de sa plus grande autorité, chercher dans l’amitié du gouvernement français de nouvelles forces. Le parti progressiste ne s’est-il pas souvent inspiré des idées françaises ? Les progressistes intelligens n’ont pas de haine pour la forme et les institutions monarchiques : ils ne perdent pas une république qui serait en Espagne plus chimérique encore que partout ailleurs. Une étroite alliance avec la première monarchie constitutionnelle du continent n’a donc rien qui puisse les inquiéter et les froisser. Quant au parti modéré, ses représentans sont au pouvoir ; les deux mariages sont en partie leur œuvre, parce qu’ils sont bien convaincus qu’en y donnant la main, ils n’ont porté aucune atteinte à l’indépendance de l’Espagne. C’est ce qu’il ne sera pas difficile de prouver au sein des cortès, et nous ne doutons pas qu’une majorité