rappelé quelque chose ? L’opposition n’a donc pas perdu toute sa peine. Avec le temps, le ministère semble s’être enhardi. La substitution des whigs aux tories devait aussi augmenter sa confiance ; en voyant de l’autre côté du détroit les affaires aux mains d’une administration nouvelle, mal affermie, environnée d’écueils, M. le ministre des affaires étrangères, surtout après sa victoire électorale, a pu se juger en position et en mesure de maintenir et d’exécuter des résolutions qui, sans avoir rien de blessant pour nos voisins, sont de nature cependant à éveiller chez lord Palmerston un vif mécontentement.
De quoi peut se plaindre raisonnablement l’Angleterre ? La reine d’Espagne épouse un Bourbon, un de ses cousins, et sa sœur s’unit à un autre Bourbon, à un prince français. Y a-t-il rien là d’excessif, d’alarmant pour l’équilibre européen ? N’est-ce pas au contraire rentrer dans les voies et les erremens de la politique qui depuis le commencement du dernier siècle était un gage de sécurité générale ? On a parlé des stipulations du traité d’Utrecht. L’argument n’est pas sérieux. Est-ce que par hasard M. le duc de Montpensier, qui vient le dernier dans la nombreuse famille du chef de la dynastie de 1830 ? est à la veille d’opter entre le trône de France et celui d’Espagne ? Sans doute son mariage avec la sœur de la reine est un événement heureux pour la politique française ; mais apparemment personne n’a pensé en Europe que la maison d’Orléans, en arrivant au trône, n’hériterait pas de la situation et des avantages qui faisaient la force de la branche aînée. Il n’y a donc aucun motif réel de crainte ni d’irritation : toutefois il ne faudra pas s’étonner si le cabinet whig conçoit de tout cela un certain déplaisir. Il ne s’attendait pas à un dénouement si prochain. Le secret et la promptitude des négociations qui ont lieu dans ces derniers temps l’ont surpris désagréablement. M. Bulwer, dans sa note à M. Isturitz, n’a pas caché cette impression. On voit, au surplus, par le vague des considérations présentées dans ce document diplomatique, l’embarras du ministère whig à articuler des griefs positifs.
C’est ce qui nous conduit à penser que lord Palmerston, si mécontent qu’il puisse être, ne se hâtera pas de poser par des notes la question entre les deux cabinets de France et d’Angleterre ; il attendra plutôt les démonstrations de l’Espagne. Il est naturel qu’il mette son espérance dans les passions des partis. Se refusera-t-il le plaisir et la ressource de les exciter ? Lord Palmerston se trouve dans une conjoncture très grave pour lui ; nous n’irons pas jusqu’à dire que la politique française qu’il a bravée en 1840 prend sur lui en ce moment une revanche éclatante : nous dirons seulement qu’il se voit atteint par des événemens qui n’eussent pas au même degré froissé son prédécesseur. Pourquoi ? Parce que lord Palmerston a eu l’imprudence de manifester un blâme anticipé sur l’éventualité du mariage de M. le duc de Montpensier avec l’infante dona Luisa. Il est encore temps pour lui de s’arrêter. Les paroles ne sont pas des actes. Que lord Palmerston, dont personne ne conteste la capacité brillante, ne mette pas encore une fois son orgueil à troubler les bonnes relations de la France et de l’Angleterre. Il doit songer aussi qu’il est loin d’être aujourd’hui dans une situation politique aussi forte qu’en 1840. Nous croyons que plusieurs de ses collègues reconnaissent combien cette différence leur impose de circonspection.
Assurément l’Espagne sera long-temps encore le pays des mouvemens passionnés et imprévus ; toutefois elle éprouve aujourd’hui un besoin sincère d’ordre