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donner ce qu’elle désirent toutes deux avec une même passion, des libertés et non des privilèges, une constitution politique et non des droits provinciaux. Pense-t-on que les députés allemands et danois rassemblés exprès par la confiance royale ne cédassent point réciproquement beaucoup pour demeurer tous ensemble un état respectable parmi les états européens ? Les Holsteinois ne sont pas sans comprendre les motifs plus ou moins cachés de ce grand amour que l’Allemagne leur a voué ; les Danois n’ont pas précisément de passion pour la descendance féminine et pour la loi royale, l’œuvre capitale de cet absolutisme si vivement combattu par le parti scandinave ; enfin le parti dynastique ne réclame guère la monarchie pure qu’en vue de l’union. La monarchie pure a fait son temps comme l’aristocratie féodale avait fait le sien en 1660 ; la loi royale sera toujours de plus en plus impossible, et, si on l’exécutait rigoureusement, le prince de Hesse lui-même ne pourrait arriver au trône, puisqu’elle en exclut les calvinistes.

Supposez maintenant les représentans des deux pays entrés avec franchise dans la voie des transactions, est-ce que le duc d’Augustenbourg, plus réellement danois, moins probablement russe que le jeune prince de Hesse, ne serait pas, sur le trône de Copenhague, un meilleur garant des engagemens nouveaux du Holstein envers le Danemark ? Le pacte ne serait-il pas à tout jamais confirmé par cette justice faite aux Allemands sans qu’il en coûtât ni à l’amour-propre ni aux inclinations des Danois, affranchis en retour du régime despotique ? La volonté nationale a fondé, en 1660 ; la succession féminine dans la famille royale de Danemark pour le plus long avenir de la monarchie absolue : la volonté nationale ne pourrait-elle, au XIXe siècle, fonder la succession masculine, pour le plus certain établissement d’un gouvernement libre ? Si opiniâtres que fussent les prétentions du prince de Hesse, il faudrait bien qu’elles cédassent devant les manifestations persévérantes d’un pouvoir constitutionnel. Si onéreuse que fût l’indemnité qu’il exigeât, le Danemark pourrait-il acheter à trop haut prix la jouissance de ces droits qui font les sociétés vivantes, de cette harmonie intérieure qui unirait ses populations sous un même sceptre ?

L’adhésion définitive du Holstein, grace à l’accession de son héritier légitime au trône de Danemark, cet avènement lui-même, consenti par le Danemark, en égard à l’adhésion du Holstein, tel est le moyen terme auquel se sont déjà fixées beaucoup de bons esprits. Ce ne sont assurément ni les Teutons du Zollverein, ni les Scandinaves de l’union de Calmar, ce sont de vrais citoyens qui ne demandent qu’une chose : qu’on leur rende les états-généraux de 1660, avec le même patriotisme et la même sagesse, pour employer l’une et l’autre dans l’esprit de ce temps-ci, comme ces courageux devanciers firent jadis dans l’esprit du leur.