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s’ils ne veulent pas que cette intervention extérieure devienne une nécessité d’ordre général. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en l’état où sont les choses, les Danois et les gens des duchés ont encore toute liberté pour s’entendre, et rien n’empêche qu’ils y réussissent : les désirs opposés des puissances se neutraliseront les uns par les autres ; l’Allemagne contiendra la Russie, la diète même ne sera certainement pas très unanime pour protéger les visibles ambitions du Zollverein. On comprend que la Prusse s’associe au mouvement de l’opinion publique ; elle a le goût de ces aventures, elle, soupçonne qu’il y a toujours là du profit pour elle. L’Autriche, qui ne trouve pas dans l’agitation les mêmes bénéfices, aurait bien peut-être quelques velléités de suprématie impériale, quelque envie d’évoquer au nom de sa prérogative antique ce grand débat de succession ; mais elle souhaite avant tout le maintien du statu quo, et telle est son aversion pour tout changement dans l’état actuel de l’édifice européen, qu’elle ne serait pas éloignée, dit-on, de prendre l’acte de 1806 pour base constitutive de 1806 pour base constitutive de la monarchie danoise dans ses rapports avec les duchés. Si même la question devait se résoudre dans une conférence, si, comme il est sûr, la France et l’Angleterre y marchaient d’ensemble, il est très probable que pour beaucoup de raisons l’Autriche se joindrait à elles. L’Autriche ne voudrait pas les laisser agir toutes seules dans une affaire allemande ; elle ne serait pas fâcher non plus de couvrir l’intérêt particulier qu’elle a là contre la Prusse de cet intérêt général évidemment servi par l’alliance anglo-française. La Prusse et l’Autriche, ne s’accordant pas dans une conférence européenne, s’accorderont-elle davantage au sein de la diète, et la diète ainsi divisée pourra-t-elle agir ?

Les parties en cause n’auraient donc point à craindre de tiers survenant, leur indépendance est complète, pourquoi n’en useraient-elles pas ? pourquoi quelque arrangement solennel ne viendrait-il pas réconcilier au Danemark et le Schleswig, qui proteste à tort contre un droit acquis, et le Holstein, qui défend justement le sien ? Le Danemark serait-il trop épuisé par cette caducité naturelle aux vieilles monarchies absolues pour trouver en lui la forte et l’élan nécessaires à cette régénération politique ? Les mouvemens qui se prononcent aujourd’hui dans tous les sens démontrent assez le contraire, et par quelle preuve plus certaine gouvernans et gouvernés pourraient-ils révéler les ressources vitales de leur pays, lorsque le pays lui-même aurait été appelé à organiser volontairement une existence nouvelle ? Le meilleur moyen d’en finir avec cet antagonisme factice des deux nations, ce n’est pas de les éloigner l’une de l’autre dans des assemblées à part, où tous les griefs s’enveniment ; il faut bien plutôt les rapprocher dans l’usage des mêmes libertés publiques, dans l’enceinte d’un même parlement ; il faut leur