duré des siècles, ou de la briser en morceaux pour livrer carrière à toutes les rancunes qui naissent d’une succession contestée ? La Russie a toujours affecté de regarder le traité signé par le grand-duc Paul en 1773 comme une convention particulière ; le tzar s’attribue même, suivant les Allemands, le nom de duc de Schleswig-Holstein. Il a tout au moins refusé plusieurs fois de céder les droits éventuels qu’il suppose tenir encore de son degré dans la descendance masculine d’Oldenbourg ; il n’a jamais oublié qu’il était le chef de la maison de Gottorp. Si la mort n’eût pas enlevé la grande-duchesse Alexandra, femme du prince de Hesse, héritier présomptif du Danemark suivant la proximité du sang et d’après le Kongelovew, le tzar eût été assuré, par cette alliance, d’une influence très directe à Copenhague ; aujourd’hui qu’il a perdu cette ressource si habilement ménagée, ira-t-on lui fournir l’occasion d’une intervention encore plus personnelle à force de remettre en jeu la propriété des duchés ? Nous savons qu’on accuse le gouvernement actuel du Danemark de grandes complaisances envers la Russie ; il lui promettrait assure-t-on, des indemnités bien onéreuses afin d’obtenir qu’elle garantît au prince de Hesse un héritage qui pourrait cependant tomber en des mains plus hostiles. On va même jusqu’à interpréter dans ce sens tout un passage du manifeste royal publié le 8 juillet. Nous voulons croire l’interprétation trop malintentionnée pour qu’elle soit juste et sincère ; le roi Christian évitera sans doute autant que possible de transformer la question danoise en question européenne : introduire les Russes à Kiel, c’est peut-être là ce que le tzar appellerait conclure l’affaire en famille ; ce serait singulièrement émouvoir toutes les diplomaties.
Aussi regrettons-nous que la déclaration du 8 juillet puisse sembler un encouragement pour les prétentions moscovites, grace à cette réserve équivoque inséré au sujet du Holstein. Nous sommes sûr que le roi Christian, ami scrupuleux de l’équité, ne continuera pas encore bien long-temps ce strict examen de tous les droits en conflit sans avoir reconnu le néant des titres invoqués par la maison de Gottorp du haut de son trône impérial. On dit que ces titres ont déjà été avoués par le Danemark en 1806 : peu importe, si originairement ils n’étaient pas fondés. On dit que les traités de 1767 et de 1773 n’ont cédé l’apanage de Gottorp qu’aux hoirs mâles de la branche aînée d’Oldenbourg ; c’était la seule forme en laquelle on pût céder un fief masculin, et l’on ne saurait contester la réalité du droit de succession masculine en Holstein : ce qu’il faut contester, c’est que ce droit entraîne réversion au profit de la Russie. Plus on étudie les traités de 1767 et de 1773, les circonstances qui les ont amenés, le but qu’on s’y proposait, les résultats qu’on a obtenus, plus il est clair que la cession souscrite par le grand-duc Paul a été complète et définitive. Conclus par la Russie au moment où elle