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est à lui ; lisez plutôt les pamphlets de M. Arndt[1]. Nous acceptons la grandeur future de l’Allemagne, nous comptons sur son avenir, et nous nous en réjouissons ; mais, nous osons pourtant le dire, le commencement de la sagesse, ce sera chez elle d’abdiquer tout-à-fait cette nationalité accaparante et jalouse qui met les autres peuples au ban de son orgueil, et trouve partout son bien à reprendre. Nous espérons que la vie politique, dont les Allemands pénètrent chaque jour davantage les réalités, leur ôtera insensiblement cette opiniâtreté étroite et querelleuse ; nous regrettons ces visées rétrospectives qui leur viennent encore parfois dans de soudains accès d’humeur triomphante. La question danoise a malheureusement eu le privilège de réveiller ce mauvais esprit. Rien ne saurait mieux le faire connaître que quelques feuilles livrées à la presse par M. Arndt au commencement de 1845. Un Holsteinois lui avait écrit pour l’engager à « dire une bonne parole dans une bonne cause. » Le vieux poète de 1813 n’a pas besoin qu’on le prie bien fort. « Dieux merci, répond-il, voici le temps allemand qui recommence un peu ; je devrais cacher ma tête blanche devant mon noble et grand peuple, si j’avais peur de cette libre parole qu’on me demande, si je ne croyais pas qu’avec mes braves Holsteinois, une bonne parole, selon le proverbe, trouve toujours une bonne place. » M. Arndt établit donc à sa façon la gravité du litige. « Où furent jadis nos frontières ? où sont-elles maintenant ? Il y a trois cents ans toute la mer du Nord était à nous et on l’appelait la mer allemande. Alors aussi nous avions tout le sud de la Baltique depuis Kiel jusqu’à Narva. Devenus maintenant des étrangers, les Belges, les Hollandais et les Anglais règnent sur notre mer du Nord ; si l’on nous enlève aujourd’hui le Holstein et qu’on resserre nos côtes entre l’Oder et la Vistule, nous perdons de ce coup-là tout espoir de recouvrer jamais la Baltique, notre propriété. » Aussi faut-il voir comment on traite les Danois, auteur de tout ce péril. Les Danois sont «  un pauvre petit peuple d’une vanité vraiment grotesque ; » ils se permettent de dire : La grande nation danoise ! Ils s’imaginent qu’ils prendront de force les Allemands des duchés, et il n’est pas de ridicules bravades que « cette petite grande nation ne jette à la face du puissant peuple allemand. » Que les Danois n’appellent point la Russie à leur aide, et « les gens des duchés les auront bientôt précipités à la mer et poursuivis dans leurs îles. » – Voilà de la vraie politique teutonne.

Au fond pourtant, s’il y a jamais eu nationalité compromise, ç’a été celle du Danemark sous la longue pression des influences germaniques.

  1. Celui-ci notamment, qui, date de février 1831, se retrouva de mode en 1840 : Die Frayen uber die Niederlund ; und die Rheinlande.