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une loi constitutionnelle, promulguée en 1665 sous le titre de Loi royale (Kongelovew), déclara la couronne héréditaire pour toute la descendance de Frédéric III, soit masculine, soit féminine, conformément à la rigueur du droit de primogéniture et de représentation. Selon cet ordre, inscrit réellement, quoi qu’en en dise, dans le droit public du royaume, la ligne féminine se trouverait aujourd’hui la plus proche du dernier prince régnant de la dynastie qui s’éteint. La ligne masculine représentée en premier lieu par le duc d’Augustenbourg ne viendrait donc point à la succession royale ; l’héritier présomptif serait le prince Frédéric de Hesse, cousin germain par les femmes du prince royal Frédéric-Charles ; encore faudrait-il compter avant lui sa propre mère, sœur du roi Christian VIII ; mais le Holstein, fief allemand de la maison d’Oldenbourg, n’a pu tomber sous le coup de la loi danoise de 1665, il est resté régi par son par son droit propre qui n’admet point les femmes à succéder : en tant que fief masculin, il appartiendrait nécessairement au duc d’Augustenbourg, le même que la parente plus rapprochée de la ligne féminine écarterait cependant du trône de Copenhague. Ce n’est pas tout. Des ambitions plus exaltées et moins justes voudraient imposer au Schleswig une semblable destinée, sous prétexte qu’il est domaine des princes d’Oldenbourg et non point partie intégrante du Danemark ; enfin il n’est pas jusqu’au Lauenbourg qui ne dût, dans ce système, retourner à l’Allemagne. De la sorte, les pays allemands échapperaient pour toujours à la monarchie danoise, et la nouvelle dynastie, couronnée en vertu du droit de primogéniture de la ligne féminine, n’aurait pas même la chance de recouvrer jamais les duchés inféodés à la ligne masculine. Tristement renfermés dans l’extrémité septentrionale de la péninsule cimbrique, rejetés presque au voisinage du Lim-Fiord, plus au nord que le petit Belt, les souverains hessois devraient voir sans y rien gagner bien des maîtres se remplacer dans les anciennes possessions du Danemark, puisque celles-ci pourraient être successivement occupées par les ducs d’Augustenbourg et de Glücksbourg, par l’empereur de Russie, par les membres de la famille de Wasa, par les ducs actuels d’Oldenbourg, tous descendans plus ou moins indirects de cette ligne masculine à jamais investie de la terre germanique.

Telle est la perspective, telles sont les éventualités qui réjouissent aujourd’hui les cœurs allemands. On ne saurait exprimer avec quelle vivacité cet espoir s’est comme emparé de l’opinion publique ; on dirait moins encore avec quelle ardeur on proteste contre les mesures qui sembleraient le déranger. Les mouvemens du gouvernement danois, déjà surveillés de près depuis deux ans, sont épiés depuis deux mois par les passions les plus ombrageuses. La guerre s’est engagée dans la presse et dans la science ; les érudits et les publicistes ont pris parti dans chacun des camps. En face de toute l’Allemagne savante qui l’attaquait,