les plus purement politiques, se trouve mêlée une question de finances, les questions de finances dépendent aussi de l’ensemble de l’administration et tiennent à tout le mécanisme social. Cela parut surtout alors. La crise financière ne s’explique pas seulement par les prodigalités des derniers règnes ; celles-ci ne firent que la hâter. La taille, la capitation, les vingtièmes, la dîme, une répartition inégale, inique, les aides, la corvée, les règlemens manufacturiers qui entravaient les progrès de la production, les douanes intérieures qui arrêtaient la circulation des produits, les jurandes et les maîtrises qui opprimaient l’ouvrier, qui nuisaient au travail par des formalités et des lenteurs inutiles, qui constituaient les industries diverses en état d’isolement, d’immobilité, de concurrence permanente, qui enfin rendaient impossible l’abaissement des prix, tous ces abus, tous ces fléaux, pesaient à la fois sur l’état, sur la finance et sur le peuple. La vraie cause du mal était dans l’organisation du royaume. Il fallait que le remède, pour être efficace, fût étendu comme le mal même.
On n’exagère pas en disant que la France manquait en même temps et au même degré de liberté et d’ordre, que le pouvoir était à la fois partout et nulle part. Nulle autorité dont l’action ne fût annulée par une autorité rivale : partout la gêne de l’administration, la prohibition en matière de presse, de religion, non moins qu’en matière de commerce et d’industrie. La Sorbonne, les parlemens, les corporations, se partageaient la tyrannie et quelquefois l’exerçaient en commun. Souvent, dans d’autres temps, la liberté et le pouvoir s’opprimèrent l’un l’autre, mais alors la France avait atteint une sorte d’idéal dans le désordre : elle avait tout le mal que peut faire le pouvoir et pas de pouvoir fort, tout le mal que peut faire la liberté et pas de liberté. C’est une telle situation que Turgot avait résolu de changer en portant le remède avec prudence, avec ménagement, mais avec ensemble et décision, sur toutes les parties malades du corps social. Il fallait les guérir toutes, ou s’attendre à l’une de ces crises violentes qui, en un instant, tuent ou sauvent les peuples.
Ramener dans les différentes parties de l’état et de la société la règle et le mouvement, donner au pouvoir l’unité, non l’unité factice et peu durable du despotisme, mais l’unité fondée sur les lois ; établir le plus possible l’égalité civile ; enfin combiner de telle sorte la liberté et l’autorité qu’au lieu de s’entraver elles se soutinssent mutuellement, voilà le but commun auquel se rapportent toutes les réformes sociales, politiques, économiques, que le ministre se proposait d’établir.
C’est en vue de l’ordre et de la liberté qu’il méditait de reconstituer l’organisation administrative de la France. Il voulait, disait-il, que les administrés cessassent de considérer le gouvernement comme leur partie adverse, et que le gouvernement n’intervînt que comme juge et