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éteint au contact de la langue du Coran. Aujourd’hui, les Coptes d’Égypte prononcent tant bien que mal la langue de leurs pères, en lisant les livres de liturgie, mais ils n’en comprennent pas le premier mot.

Je me bornerai à mentionner ici quelques-uns des systèmes qu’on s’efforça de faire admettre vers la fin du siècle dernier. Les uns soutinrent que les textes hiéroglyphiques n’avaient jamais eu de signification, et qu’ils ne constituaient qu’une ornementation bizarre, destinée à flatter l’œil en masquant la nudité des édifices sacrés et profanes. D’autres avancèrent que ces textes étaient bien réellement significatifs, mais que tous avaient trait à l’astronomie ou aux travaux de l’agriculture. D’autres enfin, comme de Guignes, affirmèrent que les peuples de la Chine et de l’Égypte avaient une origine commune, et que le seul moyen d’arriver à la lecture des hiéroglyphes était d’en opérer le déchiffrement à l’aide des dictionnaires chinois.

Chacun en était à se décider pour ou contre l’un de ces systèmes plus ou moins extraordinaires, lorsque Zoëga, qu’une étude sérieuse de la langue copte avait tout naturellement conduit à celle de l’écriture hiéroglyphique, y apporta l’esprit analytique et le bon sens qui, sans aucune exception, avaient manqué à tous ses devanciers. Frappé dès l’abord du petit nombre de signes qui constituaient une écriture dans laquelle, jusqu’à lui, on ne voulait reconnaître que des images d’idées, que des symboles, que des emblèmes, il sentit qu’il n’était pas possible qu’une série de quelques centaines de signes seulement pût, dans cette condition, suffire à l’expression de toutes les idées d’une langue : par conséquent, parmi les hiéroglyphes, il devait s’en trouver qui n’étaient que de pures images de sons ; il les désigna sous le nom d’hiéroglyphes phonétiques. Zoëga avait du coup mis le doigt sur la vérité. Une fois l’existence de l’élément phonétique ou prononçable mise hors de discussion pour lui, sans doute il eût, à l’aide du copte, poussé plus loin la découverte que le simple raisonnement lui avait fait faire. La mort vint l’arrêter en si beau chemin, et Zoëga quitta ce monde avec la pensée que d’autres après lui seraient plus heureux, et que dans un avenir plus ou moins éloigné le voile mystérieux qui couvrait l’écriture hiéroglyphique serait nécessairement soulevé.

À peu près au moment où Zoëga mourait, une armée française débarquait en Égypte. Il serait superflu de s’étendre ici sur les services immenses qu’a rendus aux sciences cette illustre commission qui fut chargée d’explorer dans tous les sens et sous tous les aspects le pays sur lequel venait s’implanter notre drapeau. L’écriture hiéroglyphique, on le pense bien, tenait le premier rang parmi les débris des temps anciens qu’il fallait arracher à l’oubli et soumettre aux investigations les plus persévérantes. Peut-être le moment était-il venu de pénétrer les secrets des vénérables monumens qui couvraient les bords du Nil :