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rité et la science ne pouvaient être révoquées en doute, on était arrivé à inférer, de ce que l’écriture hiéroglyphique n’offrait que des images d’objets naturels ou d’objets de fabrication humaine, que cette écriture était purement idéographique, et qu’elle ne représentait en aucune façon les consonnances d’un idiome parlé. Dès-lors, chercher l’explication d’un texte hiéroglyphique quelconque, c’était se lancer dans l’appréciation d’énigmes tellement inextricables, que l’on devait toujours, en fin de compte, parvenir à des divagations et à de pures rêveries, et de fait, jusqu’au commencement de ce siècle, tous les résultats obtenus au prix des recherches les plus opiniâtres furent des rêveries et des divagations.

Le jésuite Kircher fut le premier qui tenta de lire quelque chose à l’aide de ce principe qui voulait que l’écriture égyptienne ne procédât que par symboles et par emblèmes. Il fit paraître un livre intitulé l’Œdipe égyptien et destiné à révéler au monde savant le sens des inscriptions hiéroglyphiques gravées sur les divers obélisques de Rome. Tant d’idées ridicules étaient amoncelées dans ces prétendues traductions, que le public lettré fit exactement comme le père Kircher, c’est-à-dire qu’il ne crut pas plus que lui-même aux résultats divinatoires de sa science hiéroglyphique. Seulement l’Œdipe égyptien mentait sciemment, puisque, pour étayer son ouvrage, il avait souvent recours à des citations imaginaires, et en cela le public ne l’imita pas, car, dès qu’il eut reconnu les mensonges du jésuite égyptologue, il les proclama bien haut et ne fit que mépriser ses travaux en ce genre. Il ne faudrait pas pourtant dire trop de mal du père Kircher, car le même écrivain qui abusait ainsi de la bonne foi des savans a rendu un signalé service à l’étude de la philologie égyptienne en traduisant de l’arabe et publiant une grammaire et un dictionnaire de la langue copte, ce précieux détritus de la langue des Pharaons, sans la profonde connaissance duquel il n’y avait aucun espoir d’arriver jamais à celle des écritures égyptiennes.

À partir du moment où l’étude du copte fut mise en honneur, des savans tels que Saumaise, Wilkins, Lacroze et Jablonsky essayèrent de se rendre compte du sens des mots empruntés à la langue égyptienne, et qui se trouvaient disséminés dans les auteurs anciens. Souvent ils y parvinrent avec assez de bonheur pour qu’il n’y eût plus personne qui doutât de l’identité du copte avec la langue primitive de l’Égypte, identité quant aux radicaux, bien entendu, car il n’y a pas d’idiome privilégié auquel l’action des siècles n’apporte des modifications organiques, et pour l’égyptien cette action a été d’autant plus énergique, que plusieurs fois la nation qui le parlait a subi la superposition de races conquérantes qui lui imposaient leurs mœurs et leur idiome. C’est ainsi que l’égyptien est devenu du copte au contact des Grecs, et que le copte s’est