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revue. — chronique.

corsaires dont le personnel appartiendra aux îles anglaises, et la justice de Jonathan pourrait bien être expéditive et sommaire. Il y a dans ce seul fait le germe des plus graves complications : qu’on y joigne l’action politique que l’Angleterre va s’efforcer de conquérir et d’étendre sur les partis qui se disputent le Mexique, qu’on y ajoute les questions pendantes entre le cabinet de Londres et celui de Washington, et qu’on dise si de toutes les difficultés de l’avenir une guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne n’est pas la plus imminente. Lorsqu’un conflit s’élève dans nos sociétés européennes, les chances d’accommodement sont grandes, parce que les questions se traitent de gouvernement à gouvernement ; mais il n’en est pas ainsi dans le conflit engagé entre l’aristocratie britannique et la démocratie américaine : c’est avec les passions populaires qu’il faut traiter directement, et ces passions n’aspirent à rien moins qu’à la souveraineté intégrale du nouveau continent. Chasser l’Europe de l’Amérique est aujourd’hui le delenda Carthago de toute la démocratie américaine. Dans de telles circonstances, la paix du monde est-elle pour long-temps possible ? Nous en doutons. L’Amérique pourra laisser dormir certaines questions, mais ce sera sous la condition d’en soulever d’autres : c’est en ce moment le Mexique qui fait les frais de la trêve consentie pour l’Orégon.

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

RELATION DES VOYAGES FAITS PAR LES ARABES ET LES PERSANS DANS L’INDE ET À LA CHINE DANS LE IXe SIÈCLE ; TEXTE ARABE TRADUIT ET ANNOTÉ PAR M. REINAUD, DE L’INSTITUT[1].

L’histoire de l’Inde ne commence, à proprement parler, qu’à l’an 1000 de l’ère chrétienne, époque où Mahmoud-le-Gaznévide porta ses armes au-delà de l’Indus, et soumit la plus grande partie de la péninsule. Jusqu’alors une caste privilégiée avait concentré dans ses mains, avec le pouvoir politique, le monopole des productions de l’intelligence. Arts, sciences, belles-lettres, étaient des arcanes impénétrables au vulgaire, et l’histoire du pays, les chroniques, les généalogies royales, ensevelies dans les collèges des brahmes, n’en sortaient, pour le peuple, que sous forme de légendes et de poèmes sacrés, où la science moderne a dû poursuivre la patiente investigation des faits à travers l’obscurité des mythes religieux. Les témoignages que nous ont légués les Grecs et les Romains nous sont d’un faible secours, et quant à la Chine, bien que ses annales fassent mention d’une ambassade envoyée au fils du ciel par un empereur romain, il est douteux que les maîtres du monde en aient connu l’existence. Les Arabes seuls peuvent nous fournir des documens sur l’état de l’Asie orientale avant l’invasion des Gaznévides, car nous les voyons, sous le kalifat d’Omar, occuper les bouches de l’Indus

  1. 2 vol. in-18, chez Franck, rue Richelieu, 69.