Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/862

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des galeries, des machines puissantes pour l’extraction. Il faut ouvrir des voies de transport. Il faut, avant de toucher des bénéfices, payer des redevances aux propriétaires de la surface. Il faut enfin lutter contre des fléaux sans cesse renaissans, tels que le feu, les inondations, les éboulemens, les grèves d’ouvriers, sans compter les procès, qui se multiplient d’autant plus que les exploitations sont plus divisées. Aussi, avant de mettre les recettes au niveau des dépenses, que de sacrifices ! M. de Girardin, dans son rapport sur la loi de 1810, nous apprend que la compagnie d’Anzin a travaillé pendant vingt-deux ans avant d’extraire du charbon, et a dépensé plus de 16 millions pour établir toutes les machines nécessaires à l’exploitation ; et ce que M. de Girardin nous apprend de cette compagnie, on pourrait le dire de cent autres.

Si des compagnies fortement constituées, maîtresses d’une grande étendue de territoire, sont soumises à de pareilles épreuves, quel doit être le sort des petites exploitations ! Que doit-il arriver sur des bassins dont le territoire est divisé en un grand nombre de concessions livrées à la concurrence locale ? Ici les faits parlent d’eux-mêmes. L’expérience d’un demi-siècle nous apprend que le système d’isolement et de fractionnement n’a produit que des désastres. Partout le fractionnement des concessions a engendré l’imprudence et l’égoïsme, l’abandon des règles nécessaires à l’exploitation, le gaspillage des mines, l’encombrement, la baisse ruineuse des prix, l’interruption des travaux, en un mot une anarchie fatale à tous les intérêts.

Voyez ce qui s’est passé dans le bassin de la Loire. Partagé d’abord en huit groupes, ce bassin fut plus tard subdivisé en soixante-cinq concessions. Quelles ont été les conséquences de ce morcellement ? Dès que les exploitations ont obtenu des produits, elles se sont livré une lutte acharnée, une guerre aveugle, où l’intérêt public a été d’abord sacrifié. Chacun a exploité sans suivre d’autre règle que son caprice ou le besoin du moment. Aucun système général n’a été pratiqué. Les travaux d’art, destinés à affermir le sol et à protéger le dépôt des richesses souterraines, ont été négligés pour répondre aux exigences d’une production effrénée. Aussi, en 1829, l’inondation a envahi le bassin, et les concessionnaires, aussi imprévoyans qu’égoïstes, n’ont fait aucun effort commun pour l’arrêter. Lisez ce que dit à ce sujet l’honorable M. Sauzet dans son excellent rapport sur la loi de 1838 : « Les propriétaires menacés ne sont pas allés au secours des propriétaires inondés ; les propriétaires inondés en partie ne sont allés au secours de personne. Ils ont abandonné les couches inférieures, et ils ont exploité avec moins de frais les couches supérieures. Ils ont produit moins, ont diminué la main-d’œuvre, et ont doublé leurs bénéfices. » Ainsi, quelques concessionnaires ont profité d’un désastre pour s’enrichir au détriment de l’intérêt public, et tous les autres ont été ruinés. Voilà ce qui arrive dans les bassins divisés en petites exploitations.

Sait-on ce que le système de fractionnement a coûté aux exploitans du bassin de la Loire ? Il résulte de calculs établis d’après des documens administratifs que, durant une période de trente années, et toute compensation faite entre les époques heureuses et malheureuses, il a été extrait du bassin de la Loire deux cent millions d’hectolitres qui n’ont rapporté aucun bénéfice aux producteurs.

En présence de pareils faits, il ne faut pas s’étonner que le système de concentration ait remplacé sur plusieurs points les exploitations parcellaires. D’abord