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Il suffirait donc de cet article 7, ainsi que l’a dit M. le ministre des travaux publics, pour établir que la réunion de plusieurs concessions dans une même main est un acte parfaitement licite, et que ce serait une illégalité de l’interdire. Mais il y a plus : la loi elle-même a posé le principe de la réunion dans l’article 31, ainsi conçu : « Plusieurs concessions peuvent être réunies entre les mains du même concessionnaire, mais à la charge de tenir en activité chaque concession. »

On prétend que cet article confère un droit à l’état, et non aux exploitans ; qu’il signifie, en d’autres termes, que le gouvernement peut réunir les concessions, et non pas que les concessions peuvent être réunies sans l’autorisation du gouvernement.

Cette interprétation ne nous paraît pas admissible. D’abord, pourquoi la loi aurait-elle jugé nécessaire de déclarer dans l’article 31 que l’état avait le droit de réunir plusieurs concessions dans une seule main ? Ce droit n’avait-il pas été reconnu ailleurs d’une manière générale ? Ne repose-t-il pas sur le fondement même de la loi ? N’est-ce pas l’état qui fixe le périmètre des concessions ? N’est-il pas libre de leur donner l’étendue qu’il veut ? Ne peut-il pas, après avoir concédé des territoires séparés, supprimer lui-même, à la demande des parties, les limites qu’il a primitivement fixées, et fondre plusieurs concessions en une seule ? Si tel est le droit de l’état, comment l’article 31 lui serait-il applicable ?

L’article 31 renferme deux parties distinctes. D’un côté il émet un principe, de l’autre il pose une restriction. Il dit : Plusieurs concessions pourront être réunies, mais à la condition que toutes soient exploitées. Si cet article avait été rédigé en vue de l’état, il faudrait le lui appliquer en entier. En même temps qu’on lui appliquerait le principe, il faudrait lui appliquer la restriction. Or, comment la restriction posée par l’article 31 pourrait-elle concerner l’état, puisqu’il a le droit, dans l’ordonnance qui approuve les statuts d’une réunion houillère, de supprimer pour elle la condition des exploitations distinctes en rassemblant toutes ses concessions en une seule ?

L’article 31 ne concerne donc que les particuliers. A leur égard, il était nécessaire que la loi s’expliquât formellement. En effet, si l’article 31 n’existait pas, les particuliers, en vertu de l’article 7, n’en auraient pas moins le droit de réunir des concessions ; mais ils pourraient en abuser, et le gouvernement se trouverait désarmé. Il fallait donc que le législateur, prévoyant les réunions qui s’opéreraient sans le consentement de l’état, prît à leur égard des garanties dans l’intérêt public. Voilà toute la pensée de cet article 31, qui a donné lieu à des commentaires si erronés.

Après tout, quand bien même l’article 31 aurait été rédigé dans le but de consacrer le droit de l’état, qu’en résulterait-il ? Pourrait-on dire qu’il renferme une interdiction contre les particuliers ? Si le législateur avait voulu prohiber toute réunion de mines opérée sans le consentement de l’état, une pareille dérogation à l’article 7, qui déclare les concessions disponibles et transmissibles, n’aurait-elle pas fait l’objet d’un texte formel, d’une disposition expresse ? Or, si cette disposition ne se trouve nulle part, peut-on la suppléer ? Une prohibition légale peut-elle résulter du silence même de la loi ?

Qu’on ne s’étonne pas de nous voir insister sur ces raisonnemens bien simples. La question de droit a ici une grande importance. Tout le système de la commission repose sur une interprétation vicieuse de la loi de 1810. La commission