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a choisi aussi la position la moins favorable au duc. A la chambre des lords, avec son gilet blanc et son habit bleu, ou dans la grande galerie d’Apsley-blouse, lorsque, le cordon d’azur sur la poitrine et la jarretière au genou, il reçoit quelque membre de la famille royale, ou adresse un mot aimable à quelque belle cantatrice, on comprend à merveille que le iron duke ait pu être surnommé the old beau ; mais, à cheval, son dos voûté et son attitude affaissée trahissent l’âge et la fatigue.

Autre chose est de sir Robert Peel. Le premier lord de la trésorerie n’est jamais mieux à son avantage que sur une bonne monture bien solide. Sans oser prétendre, comme une grande dame de Londres, qu’il a « l’air d’un gentleman farmer allant négocier la vente de ses blés à la ville voisine, » nous admettons volontiers que le cheval complète sa physionomie de country gentleman. « Sir Robert, dit Timon, ne galope guère ; solidement assis, il promène partout son regard circonspecte le trot prudent de la bête trahit l’esprit prudent du maître, et ce n’est pas sans cause, car, quelque vigoureuse que soit la monture, elle s’est abattue plus d’une fois sous le poids d’un pareil cavalier. » Ceci, soit dit en passant, est fort significatif, et sent son protectioniste d’une lieue.

De sir Robert, la transition est toute naturelle à lord Stanley, dont les traits sont admirablement esquissés dans les lignes suivantes : « Chef brillant, puissant par boutades, franc, hautain, imprudent, Rupert[1] parlementaire, la goutte et la fatigue ne peuvent détruire sa force juvénile, et, en dépit du temps, l’écolier d’Éton est là tout entier. Le premier dans la classe, le plus audacieux dans l’arène, il pioche comme Gladstone, il se bat comme Spring[2] ; même au repas, ses goûts belliqueux animent tout, et l’ardeur de ses game cocks favoris est le symbole de la sienne[3]. Voyez-le, à défaut d’adversaires, s’attaquer à ses amis ; il arpente le terrain et frappe dans tous les sens, jusqu’à ce que, las à la fin de ses victoires sur Dan et Snob[4], il applique une chiquenaude sur le nez de Bob[5].

Plants a sly bruiser on the nose of Bob.


Ce digne Bob, trop son ami pour le gronder, propose d’ajourner le combat, et, espérant calmer la fougue de son condisciple, l’invite à passer sur les bancs de la haute école[6], Pourtant qui n’écoute, ravi, le pur saxon de son style, cette parole limpide qui décèle un cœur non

  1. Allusion au caractère du prince Rupert, fils de l’électeur de Bohème, et allié de Charles Ier et de Charles II dans les guerres civiles d’Angleterre.
  2. Fameux boxeur anglais.
  3. Game-cocks, coqs-de-race. La maison de Derby a toujours eu du goût pour les combats de coqs, et c’est chez lord Stanley une sorte de passion héréditaire.
  4. O’Connell et Cobden.
  5. Sir Robert Peel.
  6. Allusion à la pairie conférée à lord Stanley par sir Robert Peel.