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doute ce fait si important pour l’histoire de notre globe. Le célèbre anatomiste anglais conclut, de l’examen d’un nombre immense d’ossemens fossiles, que, dans les périodes géologiques passées, les espèces animales de chaque contrée présentaient des caractères semblables à ceux des espèces actuellement vivantes, que les unes et les autres appartiennent aux mêmes types fondamentaux. Ainsi, par exemple, tous les ossemens de mammifères fossiles découverts à la Nouvelle-Hollande appartiennent au groupe si caractéristique des marsupiaux. M. Owen ne signale qu’une seule exception. Le mastodonte, ce représentant de l’éléphant actuel, semble avoir été vraiment cosmopolite. On a rencontré ses restes dans l’Amérique et dans l’Inde aussi bien qu’en Europe. On les retrouve aussi dans la Nouvelle-Hollande. Or, on comprend que, précisément à cause de sa nature, cette exception n’attaque en rien la conclusion générale avancée par M. Owen.

Il est absolument impossible d’expliquer les faits qui précèdent en admettant que toutes les espèces animales ont été créées sur un point unique d’où elles ont irradié sur la surface entière du globe. On ne comprendrait pas comment, en ce cas, elles auraient pu traverser d’immenses espaces sans laisser la moindre trace de leur passage ; on ne comprendrait pas surtout comment les fossiles d’une vaste contrée se rapportent tous à un type unique, dont on ne trouve ailleurs aucun vestige. On a donc été conduit à admettre que chaque espèce a été, dès l’origine, créée par l’auteur de toutes choses dans la région la plus favorable à son développement, et que de là elle s’est répandue en tous sens jusqu’aux limites résultant des conditions nouvelles où elle se plaçait en s’éloignant de son point de départ. M. Milne Edwards, qui, dans ses mémoires sur la géographie des crustacés, a le premier développé les considérations élevées dont nous donnons ici un aperçu, a désigné sous le nom de centres de création les points du globe qui paraissent avoir été la patrie originelle d’un grand nombre d’espèces distinctes. Il a ainsi rendu compte de plusieurs faits curieux de distribution des animaux, et expliqué, entre autres, l’isolement singulier de quelques espèces, la prédominance de certains types dans les contrées où des circonstances particulières s’opposent également aux émigrations lointaines et aux invasions du dehors.

Un des faits qui nous paraissent venir le plus à l’appui de cette théorie des centres de création, c’est que les espèces animales appartenant à deux régions zoologiques analogues s’acclimatent très facilement en passant de l’une à l’autre. C’est là un résultat d’observation journalière, et dont l’histoire des établissemens européens nous offre de nombreux exemples. Le bœuf, le chien, le cheval, ces serviteurs assidus et dociles de l’homme civilisé, n’existaient pas en Amérique lors de la découverte