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Nous avons considéré jusqu’ici les lignes isothermes comme existant dans un plan horizontal et situé au niveau de la mer ; mais on sait que la chaleur diminue à mesure qu’on s’élève au-dessus de ce niveau, et, sous ce rapport, l’ascension vers des lieux élevés produit des effets analogues à ceux qui résultent d’un rapprochement vers les pôles. Des expériences directes ont permis de constater le rapport qui unit ces deux résultats. Sous les tropiques, M. de Humboldt, en gravissant les Cordillières, a trouvé que l’abaissement du thermomètre était de 1 degré pour 187 mètres d’élévation. C’est également à ce chiffre qu’est arrivé M. Gay-Lussac lors du mémorable voyage aérostatique qu’il exécuta à Paris, le 16 août 1804. À terre, son thermomètre marquait 27,7 degrés au-dessus de zéro, et, arrivé à une hauteur de 6980 mètres, l’intrépide observateur vit le mercure descendre à 9,5 degrés au-dessous de zéro. En quelques instans, M. Gay-Lussac avait subi une variation de température de 37,2 degrés.

En jetant les yeux sur une carte où sont tracées les lignes isothermes, on voit que, dans notre hémisphère, elles s’élèvent vers le pôle sur les côtes occidentales des continens, et s’abaissent vers l’équateur sur les côtes orientales. Ces modifications générales sont dues principalement aux grands mouvemens des deux masses mobiles qui recouvrent en tout ou en partie l’écorce solide du globe, aux courans de température variée qui sillonnent sans cesse la masse de l’océan et celle de l’atmosphère.

Déjà nous avons entretenu les lecteurs de la Revue de l’influence exercée sur la température de nos côtes par le grand courant d’eau chaude qui, partant des plages africaines, va heurter les côtes d’Amérique, rebondit pour ainsi dire vers l’Europe à travers le détroit de Bahama, et vient se perdre autour des îles britanniques. Des faits analogues s’observent dans l’Océan Pacifique. Or, on comprend que ces courans ne peuvent se diriger sur un point quelconque de l’océan sans déplacer à leur tour des masses considérables de liquide, et ils sont par là une des causes qui déterminent la formation d’autres courans glacés qui vont baigner et rafraîchir certains rivages. C’est ainsi que des environs du pôle antarctique s’échappe un véritable fleuve d’eau froide qui traverse la mer du Sud, remonte les côtes du Chili et du Pérou jusqu’au, sud de Payta, puis s’en écarte pour gagner la haute mer. Sous les tropiques, la température des eaux de ce courant n’est encore que de 15,5 degrés, tandis que l’océan environnant possède une chaleur de 27 et quelquefois de 28 degrés. C’est, on le voit, une différence de plus de 12 degrés, et les navigateurs qui, gouvernant du sud au nord, passent brusquement de l’eau froide à l’eau chaude, s’aperçoivent sans peine de cette transition.

L’atmosphère présente des phénomènes semblables, et si l’appréciation en est plus difficile, si les observations exactes sur ce point ne datent