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continens ; ces derniers, diversement découpés, présentent des régions centrales et des rivages que baigne une mer sans cesse en mouvement. Enfin l’air lui-même est dans un état d’agitation permanente, et de toutes ces causes réunies il résulte dans la répartition de la chaleur de très grandes irrégularités. Ce sont les lois qui règnent au milieu de ce désordre apparent dont M. de Humboldt s’est occupé, ce sont elles qu’il nous a fait connaître.

Voici quelques-uns des résultats les plus généraux du travail de M. de Humboldt. Les lignes isothermes sont sensiblement parallèles entre elles et avec l’équateur jusque vers le 30e degré de latitude nord. Au-delà de cette limite, le parallélisme cesse. Les lignes isothermes deviennent sinueuses, et dans l’hémisphère boréal ces sinuosités s’élèvent vers le pôle bien plus dans l’ancien continent que dans le nouveau. Par conséquent, la diminution de température à l’équateur au pôle nord est plus rapide dans le nouveau monde que dans l’ancien continent. En d’autres termes, on peut dire que, toutes choses égales d’ailleurs, la température moyenne de deux points situés sous la même latitude, l’un en Europe, l’autre en Amérique, est inégale, et que celle du premier est plus élevée que celle du second. Le tableau ci-joint fera comprendre facilement ce résultat.


Température de la ligne isotherme Points par où passe la ligne isotherme Latitude Différence de l’atitude
0 degrés Anciens continent : Uleo et Enontikies en Laponie 67 degrés 13 degrés
« Nouveau continent : Table-Bay en Labrador 54 degrés «
5 degrés Ancien continent : Stockholm 60 degrés 12 degrés
« Nouveau continent : Baie Saint-George à Terre-Neuve 48 degrés «
10 degrés Ancien continent : Belgique 51 degrés 9 degrés
« Nouveau continent : Boston 42 degrés «

Dans l’hémisphère austral, le décroissement de la température est, dans le voisinage de l’équateur, à peu près semblable à celui qu’on observe dans l’hémisphère boréal ; mais il devient proportionnellement plus rapide à mesure qu’on avance davantage vers le pôle sud. Par conséquent, de deux lignes isothermes correspondantes dans les deux hémisphères, la boréale est la plus éloignée de l’équateur. Quelques îles placées dans des circonstances exceptionnelles présentent, il est vrai, des résultats inverses, mais cette contradiction apparente s’explique par l’action d’influences toutes locales. Cette inégale répartition de la chaleur entre les deux hémisphères nous explique comment la mer est ordinairement fermée par les glaces dès le 71me degré de latitude sud, tandis qu’elle est ouverte jusqu’à plus de 80 degrés de latitude nord, c’est-à-dire jusqu’à 10 degrés environ du pôle arctique.